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Didier K. Expérience
3 juin 2022

D'Une Vie, l'Autre - E.26/34

 

D'une vie, l'autre

Véronique et Michel avaient un accord tacite : elle ne versait pas de pension alimentaire et elle ne remboursait plus sa part du crédit immobilier, en échange, Michel habitait dans la maison et avait la garde des enfants. De toute façon, il s’agissait d’officialiser ce qui était un fait avéré : Véronique était dans l’impossibilité de payer quoi que ce soit, et le peu d’argent dont elle disposait suffisait à peine pour le couple. Cependant, elle gérait son compte et son couple comme elle gérait les comptes et ses relations de travail : avec sérieux. Désormais, elle ne se focalisait plus que sur ses priorités, tout le reste était évacué. Soit elle négociait ce qui méritait d’être gardé, soit elle s’en passait, mais ce qui était essentiel, vital à son bien-être, était sauvegardé coûte que coûte. Elle ne versait pas de pension, mais elle payait le loyer de l’appartement. Elle n’offrait plus rien à ses enfants, mais elle sortait avec Rachid quand ils en avaient envie.

Il avait fallu faire des choix, l’argent avait été un agent déterminant dans la façon de diriger sa nouvelle vie… Chaque matin, elle démarrait la journée par un rituel qui irritait Rachid, car il fallait qu’il attende le résultat pour savoir ce qu’il pourrait faire : Véronique contrôlait l’état de son compte en banque sur internet, et selon ce qu’il y avait, elle priorisait. Elle lui avait interdit de continuer à contracter des dettes auprès de ses amis et de sa famille. Mais Rachid était un papillon de nuit, pas une fourmi. Il continuait d’acheter de l’herbe, et pour ça, il n’y avait pas de crédit possible, il fallait du cash. Il n’y avait que son ardoise à la Rose de Tunis qu’il arrivait plus ou moins à contrôler, mais il fallait qu’il paye un peu de temps en temps. Pour celle-ci, il avait trouvé une astuce : il proposa au patron d’organiser le repas et la fête qui suivraient la naissance de son enfant. La recette de la quête devrait couvrir les dépenses, rembourser la dette, il en resterait pour le couple, et le patron du restaurant aurait réalisé un bon bénéfice.

Les parents de Rachid avaient été très réticents, mais ils finirent par accepter de participer aux frais. Un pot commun circula dans la famille et commença à se remplir sérieusement. Devant un tel succès, Véronique proposa la même chose aux siens, mais cette idée ne fut pas reçue avec le même enthousiasme.

Ils avaient aussi convenu qu’il était plus facile de parlementer au téléphone que de visu : ça permettait de s’énerver sans risque de se taper dessus.

-          Je te préviens Véronique, je ne donnerai pas une thune pour ce gosse. Ce n’est pas le mien, je m’en fous complètement. Donc, ce n’est pas la peine de me demander quoi que ce soit.

-          Tes enfants ont donné, eux !

-          Tu ne manques pas de toupet ! Tu ne verses pas une thune pour leur éducation et eux, ils te donnent de l’argent pour payer ta soirée… Comme c’est moi qui leur donne l’argent de poche, c’est comme si c’était moi qui payais. C’est gonflé ça, non ?

-          C’est pour la naissance de leur demi-frère. Je pense que ça les touche, non ? tu ne crois pas ?

-          Ils sont naïfs, moi pas. Je pense que tu vas encore essayer de nous entuber, voilà ce que je crois.

-          Tu es impossible.

-          Oui ! C’est ça ! Allez, il n’est pas encore né ce gosse. D’ici là, il peut s’en passer des choses.

-          Pfff !... Tu n’es qu’un grossier personnage.

Depuis le coup du faux abonnement à la salle de sport, Michel mettait en doute tout ce que Véronique lui annonçait, tant qu’il n’en avait pas la preuve.

Véronique raccrocha d’un coup sec : ce n’était pas la peine de continuer, elle n’y arriverait pas.

Il restait à convaincre ses parents du bien-fondé de sa demande : après tout, ils allaient être grands parents pour la troisième fois.

Pour Albert, il ne faisait aucun doute qu’il fallait participer aux frais. Il avait hâte de rencontrer les parents de Rachid pour discuter de tout ça. Aline, qui avait été mise à l’index, faisait comme si elle n’était au courant de rien. En réalité, elle attendait impatiemment qu’on la supplie. Véronique, qui connaissait sa mère comme sa poche, lui fit passer un petit message par l’intermédiaire de son père : elle n’accepterait de la revoir que si elle faisait un geste pour la naissance de son petit-fils.

La réponse d’Aline ne se fit pas attendre longtemps.

-          Pour qui elle se prend, la fatma ? C’est hors de question. Je ne donnerai rien… et toi non plus, Albert, tu ne donneras pas un sou.

Albert soupira, en baissant les bras.

-          Allons ! Ne fais pas ta mauvaise tête. C’est ta fille ! Vous n’allez pas vous fâcher le jour de la naissance de son petit, non ? … Et puis, moi, j’ai décidé de donner. Je veux les voir. Toi, tu feras ce que tu voudras.

-          Abandon en rase campagne ! Tu m’étonnes que la France ait capitulé en 40, avec des loquedus pareils… Tu es trop permissif, mon pauvre Albert, c’est pour ça qu’elle a mal tourné, ta fille.

-          Ah, c’est de ma faute, maintenant ! Je te rappelle que « notre fille » a quarante-cinq ans et que ça fait longtemps qu’elle est majeure et vaccinée.

-          Elle n’a qu’à m’appeler. Ça ne se fait pas de ne plus parler à sa mère. Ça porte malheur, même !

Albert éclata de rire devant sa détresse ridicule. Ce n’était pas souvent que sa femme lui permettait de rire. Cette fois-ci, il en profitait.

-          C’est simple, tu prends ton portable, tu fais son numéro que tu connais par cœur, et tu lui dis ce qu’elle veut entendre.

-          On verra, je n’ai pas encore décidé. Et puis, je n’ai pas mes lunettes, ce n’est pas le bon moment.

Il savait qu’elle ne s’avouerait pas vaincue si facilement. Elle appellerait sa fille, de toute façon.

… Petite interruption du récit : les choses ont bien changé depuis le divorce de Michel et Véronique, n’est-ce pas ?... Michel a repris du poil de la bête, Véronique continue de faire ce qu’elle veut, Rachid espère se ranger, les enfants suivent mais vivent leur vie. Les grands parents ne comprennent plus rien, mais ça c’est normal : c’est le conflit des générations. Comme vous pouvez le constater, du chaos nait l’ordre. C’est une forme d’évolution, c’est en marche ! En tout cas, ils semblent tous se diriger vers l’harmonie. Est-ce une bonne chose ? Amis lecteurs, du haut de nos cieux, nous le saurons sûrement bientôt…

 

Didier Kalionian - le Blog Imaginaire (c) 2022

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