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Didier K. Expérience
27 septembre 2021

Les Circumpolaires E.27/34

Circumpolair

Enfin, je piquai une tête dans la piscine, sûrement le meilleur moyen de me délasser à cette heure-ci. Ses abords étaient toujours bien occupés, même à 20h passées : elle se situait en plein centre du complexe, juste devant la salle à manger, c’était bien le lieu stratégique où il fallait immanquablement se trouver pour faire des connaissances. Pas mal de beaux mecs d’ailleurs, certains flânaient un verre à la main, remuant légèrement du bassin au son d’une house-music plutôt cool. Manifestement, c’était l’heure de l’apéro, sauf que j’avais une faim de loup et qu’aucune table n’était encore préparée. Je remarquai que ça parlait beaucoup l’allemand, et bien évidemment l’anglais, mais assez peu l’espagnol, finalement. Quelques folles frenchies me firent dresser l’oreille mais je m’abstins de me signaler : rien de pire que des Français en vacances à l’étranger, même gays. Les Allemands se divisaient en deux clans distincts : les jeunes hommes étaient grands, musclés, halés, châtain clair ou blonds, imberbes, des vrais clones pour films pornos. Et les vieux pédés en cuir, usés par trop de fêtes et d’alcool, chemise ouverte jusqu’au nombril dont le bourrelet trop bronzé bedonnait, mais qui n’avaient toujours pas renoncé à s’amuser. Soit une vision du présent et d’un futur proche, en fait. Je renonçai à tous les répertorier, j’aurais bien l’occasion de rencontrer tous les résidents ce week-end, mais ça m’occupait pendant que je barbotais. J’en dénombrai quand même une vingtaine, rayonnant entre le bar et le plan d’eau ce vendredi soir. Petite ambiance mais relax.

Les amants de Pérols étaient partis se changer et se préparer tranquillement pour la collation qui nous serait servie vers 22h. On resterait avec nos hôtes, un peu à l’écart des autres guests, parait-il. En attendant de dîner, j’allai moi aussi me changer. Ma chambre ne comportait qu’un lit « King size », pas d’autre mobilier, une salle de bain avec WC, un écran plasma fixé au mur, et une baie vitrée qui ne s’ouvrait pas, la clim tournait en permanence, faisant office de ventilation. La déco était vraiment cheap, bizarre pour une guesthouse aussi renommée et qui était supposée être un modèle… De toute façon, toutes les activités se faisaient hors des chambres, et à part y dormir ou plus si affinité, elles ne servaient presque à rien. C’était sûrement la raison pour laquelle Ruben et Juan n’avaient pas investi dans le superflu.

Roberto me textota pour me demander de descendre : on n’attendait plus que moi dans la salle à manger. Enfin ! J’avais l’estomac dans les talons, j’aurais dévoré un cactus tellement j’avais la dalle. Toute le monde s’était habillé cool, léger, en tongs ou pieds nus, sans prétention quoi. Juan nous demanda de passer au buffet nous servir sans plus de cérémonie, notre table était réservée de toute façon. Je remarquai que Ruben n’était pas là, Moshi non plus d’ailleurs.

Je ne connaissais pas les talents d’organisateur de Juan, lui qui était resté assez effacé derrière son chéri Ruben le week-end passé, mais il s’avéra plutôt efficace et tranquille : un bon exemple à suivre pour Roberto, pensai-je.

Sur les tables, des bols géants de Sangria étaient installés à disposition, y compris sur la nôtre, mais Juan nous servit des verres de mojitos d’un demi-litre par personne assez chargés en rhum, ça promettait. Cependant, la fraicheur de cette boisson sucrée me détendit d’un coup, un vrai miracle. Lorenzo ne se gêna pas non plus, c’était relâche ce week-end, visiblement. D’ailleurs, le fameux petit couple avait l’air d’être calmé ce soir. Je remarquai qu’ils s’étaient tous les deux légèrement maquillé les tempes, surtout Roberto, mais Lorenzo portait son masque de séduction des grandes occasions en plus, barbe teinte et bien taillée, sourcils épilés, dents fluorescentes, restait à savoir pour qui ou pour quoi ? Maintenant, je le connaissais, je savais qu’il ne faisait jamais rien pour rien. Donc, il y avait anguille sous roche !

Juan, installé en bout de table, leva son verre :

-          Je voudrais porter un toast pour vous remercier d’être là, mes amis. Ruben est à Barcelone pour affaires, il sera là demain matin, mais il se joints à moi pour célébrer votre arrivée. Et surtout : muchas gracias por el perrito ! Es tan lindo ! Roberto y Lorenzo, muchos besos, queridos !

Lorenzo me fit un clin d’œil complice. Il avait vu juste : le bulldog était bien destiné à être offert. Eh ben ! Tout ça pour un investissement ! Manquait plus qu’un sacrifice humain et ce serait complet. D’ailleurs, j’étais sûrement sur la liste des réjouissances car comme il me l’avait dit : « quand Roberto a une idée dans la tête, il ne l’a pas dans le cul ! ».

Juan fit le tour de la table pour nous faire la bise chaleureusement.

-          Je sais qu’il avait déjà un petit nom, mais je préfère le rebaptiser. Demain, on fera la cérémonie du nom avec Ruben.

Juan était visiblement très content de son cadeau, c’était sûrement de bon augure pour les affaires de Roberto. D’ailleurs, celui-ci nous montrait une certaine satisfaction, souriant à s’en décrocher la mâchoire. Lorenzo n’était pas en reste non plus et lui qui ne perdait jamais une occasion de se faire valoir, l’embrassait gentiment dans le cou comme s’il se réappropriait une partie du territoire qu’il avait perdu pendant la journée.

Le dîner ne s’éternisa pas, Juan et Roberto nous laissèrent pour discuter avec d’autres convives de la maison d’hôtes. J’en profitai pour me rapprocher de Lorenzo.

-          Tu es habillé très classe, ce soir !

-          C’est normal, je sors si tu veux tout savoir. J’ai des choses à faire à Sitges. Mais pour que Roberto me foute la paix, je suis obligé de tirer la reine avant de partir. Comme il est crevé, ça ne devrait pas durer trop longtemps. Mais il fait prolonger le plaisir, il traine, il discute, il me torture un peu avant de me lâcher. Mais ce n’est pas grave, j’ai tout mon temps et je suis de bonne humeur.

Si Lorenzo ne me proposait pas de l’accompagner, c’est qu’il n’avait pas envie de m’avoir dans les pattes non plus. Je l’avais senti plus cool aujourd’hui, mais il maintenait des distances avec moi que je ne comprenais pas. Sa nervosité trahissait son impatience : il se contenait plutôt. De plus, les mojitos ne m’aidèrent pas à tout comprendre : la teneur en alcool des boissons s’avérait largement plus élevée ici qu’en France. Moi qui avais considérablement freiné ma consommation depuis plusieurs mois, j’en ressentis les effets, et plus rapidement : bref ! J’étais un peu cassé.

-          C’est cool, moi je vais aller me coucher, répondis-je.

Roberto vint me souhaiter une bonne nuit, tout en prenant par la main son chevalier servant. C’était l’heure de chevaucher la reine des abeilles, semblait-il. Lorenzo aussi me souhaita de passer une bonne nuit avec moult clins d’œil. Ou alors c’était un tic, mais c’était bizarre !

Vers minuit, je me dirigeai vers ma chambre en passant aux abords de la piscine qui étaient toujours bien achalandés. Le DJ avait rangé ses platines, quasiment plus de bruit, seuls des rires fusaient de temps en temps. Je serais bien resté avec certains mais j’étais KO. En tout cas, il y avait une bonne ambiance dans cette maison d’hôtes. C’était très cool.

La chaleur m’avait bien cassé aussi, et ressentir la fraicheur de la clim dans la chambre me fit un bien fou. Je m’allongeai sur le lit, les yeux au plafond. Comme j’étais bien… En vacances aux frais de la princesse, entouré de beaux mecs, dans un endroit super sympa, et dans l’une des villes les plus gays du monde. Que demander de plus ?

Je m’endormis.

Puis, dans mon sommeil, j’entendis des booms booms qui se répétaient. Quelqu’un toquait à ma porte. Je n’avais dormi qu’une heure, mais ça m’avait retapé. J’ouvris.

-          Juan ? Que se passe-t-il ?

-          Je peux entrer ?

Je le laissai passer bien sûr. J’étais quand même son invité aussi.

-          Buenas noches, querido ! Ça te dit, toi et moi, maintenant ? chuchota-t-il en enlevant sa chemise.

Bien sûr ! Tout se mettait en place. Pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt ? Il n’y avait pas que le chien, j’étais aussi un cadeau pour Juan. Donc Ruben n’était pas là, et ma chambre était bien à l’écart de celles des autres pour qu’on puisse y venir et repartir discrètement. C’était ça leur manigance à tous : se servir de moi en toute tranquillité. Bon, je m’en doutais, c’était le jeu, et puis, des vacances « gratuites », ça n’existait même pas dans les contes de fées, alors !

-          Querido, je commence à avoir le démon ! El fuego, tu comprends ?

-          T’as le feu au cul ! Bah, on va l’éteindre tout de suite. Viens, je vais m’en occuper.

Juan était celui qui me plaisait le moins. Ruben avait mes faveurs, Ferguson était le plus cool, tandis que Juan était le plus efféminé de la bande : donc pas trop mon trip au départ. Cependant, il était aussi très plaisant et complétement déluré, une vraie chienne de combat…

Ça n’avait duré qu’une demi-heure, mais Juan m’avait laissé sur les rotules, j’étais complètement vidé, c’était le cas de le dire ! Cependant, j’étais aussi satisfait, l’échange avait profité à tous les deux. Comme quoi, même quand le gars n’est pas mon genre, je peux aussi m’amuser et y trouver mon compte.

Juan ne voulut pas m’accompagner sous la douche, il avait autre chose à faire chez lui. Il était quand même plus de 3h du mat’, et il avait encore des choses à faire ? Bien sûr, tu m’en diras tant. Une fois libéré de son désir et maintenant gavé de sexe, il n’avait plus besoin de moi : la cinquième roue du carrosse avait servi, c’était fini, ciao bye !

Je n’en voulais pas à Juan pour son attitude, c’était gonflant mais c’était comme ça, voilà tout. Mais, je me sentis vraiment comme un objet cette fois-ci. Aucune marque d’affection avant et après ma « prestation ». Bien sûr, pendant, il s’était exprimé largement, mais tout ce qui se faisait sous le feu de l’action n’était qu’un leurre, et Juan en avait l’habitude, manifestement. Pour rester positif, je dirai qu’il avait la tête sur les épaules. Sinon c’était un manipulateur sans scrupule, comme tous les autres de la bande d’ailleurs. A ce stade, je n’étais même pas sûr qu’on deviendrait des amis. En tout cas, durant ce week-end, je ne serais qu’un corps ou un manche, pas une tête. J’espérais quand même que Ferguson se révélerait diffèrent.

 

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2021

Copyright photo Vincent Desvaux "Circumpolaire" instagram VDESVAUX (c) 2021

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