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Didier K. Expérience
10 septembre 2021

Les Circumpolaires E.10/34

Circumpolair

J’arrivai pile à l’heure aux Parasols. Je remarquai que la voiture de Roberto y était mais pas celle de Lorenzo. C’était aussi la première fois que j’y allais sans chaperon. Le maître des lieux vint à ma rencontre jusqu’à la piscine, et m’inspecta furtivement de la tête aux pieds. Roberto ne dirait rien sinon pour m’indiquer la chambre de celui qui m’attendait. Sylvain se trouvait dans la chambre n°1, celle où j’avais baisé Roberto la veille.

Je montai à l’étage sans stress particulier, frappai à la porte. Sylvain me fit entrer et referma derrière lui. Rien à dire, il correspondait à la photo : grand, blond, la quarantaine. Il me dévisagea également : pas d’erreur sur la marchandise, c’était bien moi. Il me remit tout de suite une enveloppe qui contenait quatre billets de 50€, que j’empochai après une brève vérification. On se présenta, mais on resterait sur nos prénoms comme signes distinctifs, pas de noms entre nous. Théo apparaissait pour la première fois, je faisais ma première mondiale, quoi. On se mit d’accord sur la prévention à adopter : préservatifs pour tous les deux, y compris pour la fellation. Après tout, c’était lui le client, même si je comptai bien m’amuser aussi.

On se déshabilla en même temps : c’était parti. Incertain, je le laissai faire tout ce qu’il voulait : préliminaires, câlins, caresses, découverte du corps. Lorenzo ne m’avait pas menti, Sylvain ressemblait fortement à ces hétéros qui découvrent une autre sexualité malgré eux, inexorablement attirés par leurs semblables. Lorenzo m’avait dit aussi que ça ne durerait pas plus d’une heure. On déborda largement, mais ça ne me contraignit pas plus que ça. De plus, Sylvain avait loué la chambre pour deux jours, donc ce n’était gênant pour personne.

Il apprécia que je jouisse aussi, je le sais parce qu’il ne se priva pas de me le dire. Souvent, les mecs le besognaient puis s’en allaient après avoir fait leur boulot. Moi, je ne savais pas encore comment me comporter dans cette situation nouvelle, mais je ne lui dirais rien à ce propos, je me contentais de suivre le rythme. Cela dit, je n’étais pas escort-boy, donc, je n’avais pas de raisons de conserver mon stock de sperme pour les suivants. Mais pour lui, ça avait l’air important, c’était la preuve que je partageais bien ce moment avec lui. Finalement, ce n’était pas si compliqué de faire semblant.

Pendant qu’on se rhabillait, il m’expliqua brièvement ce qu’il faisait au sein de l’armée, et surtout qu’il voyait de jeunes hommes bien foutus en uniforme toute la journée, et que ça le stressait d’être coincé dans son slip sans pouvoir en profiter. Et la seule façon pour lui de pouvoir assouvir ses pulsions hors mariage, était de louer les services de quelqu’un quand il le pouvait, sans se prendre la tête.

Les conseils de Lorenzo me revinrent subitement en tête : le gars commençait à me faire des confidences, je sentais qu’il allait devenir collant, il était temps que je parte. J’étais prêt, je voulais le quitter correctement, sans mépris, quand il me serra la main : une poignée de main bien virile qui contrastait avec la tendresse qu’il avait déployée pendant qu’on baisait. Nous avions à peine terminé qu’il était redevenu l’homme qu’il se targuait d’être au boulot. Le message était clair, reçu cinq sur cinq. Sauf que sa réelle personnalité ne m’intéressait pas car si on avait été amants, on n’avait aucune chance de devenir amis, l’argent étant le lien dans cette rencontre.

Je quittai les Parasols sans demander mon reste, mais avant de démarrer, j’envoyai un texto laconique à Roberto et à Lorenzo : « mission accomplie ». J’aurais pu le signer du nom de James Bond, mais ça suffisait. Je m’étais assez amusé comme ça.

Pendant que je roulais en direction du centre-ville de Montpellier, je repensai à ce qui s’était passé. Si je n’étais pas mécontent de cette expérience, bien plus plaisante qu’avec Roberto, j’étais rudement satisfait des deux cents euros. Voilà une sacrée opportunité que j’espérais renouveler, maintenant. J’avais eu des scrupules au début, mais si ça se passait tout le temps comme ça, je serais demandeur, il n’y avait pas photo.

Une fois dans l’appart, je me servis une bière, une des miennes, et je m’allumai une des rares clopes que je m’accordais de temps en temps pour me détendre. Karl n’était pas là, j’avais le salon pour moi seul encore un moment. Je reluquai mes quatre billets comme un gamin. Rien à dire, j’étais content de moi.

Puis, j’entendis un bip sonner. Lorenzo avait répondu à mon texto : « Bravo, garçon ! ».

Suivi d’un second : « Je suis au Cubix. Tu me rejoins ? ».

Cool ! Lorenzo voulait me voir maintenant. Je répondis par l’affirmative. Et comment que je voulais le revoir, surtout s’il avait des potes à me refiler.

Je changeai de panoplie : t-shirts, jeans moulant, baskets, je redevenais moi-même… Je retrouvai Lorenzo accoudé au comptoir, la musique était forte, je me serais bien éclaté en boite toute la nuit tellement j’étais bien dans ma peau. Lorenzo me fit la bise de rigueur, mais me salua en m’appelant Théo. Ce qui me troubla un peu.

-          Hey ! Je suis connu ici.

-          On s’en fout ! Maintenant, tu es Théo en toutes circonstances. Habitue-toi. Si on te pose la question, tu n’auras qu’à dire qu’Alex est ton deuxième prénom. Enfin, du bla-bla quoi.

Il rit.

-          Roberto m’a appelé tout à l’heure. Sylvain est très content. C’est dans la poche.

-          Ben, si tu en as d’autres, pourquoi pas ?

-          On verra ! Pour le moment, je n’ai rien mais je te ferai signe.

-          Au fait ! Y a-t-il d’autres mecs sur le coup ? C’est vrai ça, je ne dois pas être le seul avec qui vous bossez, non ?

Il rit à nouveau.

-          Tu sais garder un secret ?

-          Oui, bien sûr !

-          Eh bien, moi aussi, rétorqua-il en riant de plus belle.

Ça me fit rire, mais plus par mimétisme qu’autre chose.

-          Oui bien sûr, il y en a d’autres, mais je ne te dirai rien de plus. Laisse tomber… En revanche, j’ai autre chose à te proposer. Je pense que je peux te faire confiance, n’est-ce pas ?

Il n’attendit pas ma réponse pour réagir. Il me prit par le bras et on s’éloigna du comptoir. il fit signe au barman qu’on sortait fumer dehors.

Dans cette ruelle très étroite de l’Ecusson, on pouvait quand même s’isoler pour discuter et fumer. Lorenzo avait son air mystérieux, ou alors il cultivait bien le mystère, comme un bon acteur, mais je savais déjà que c’était un malin puisque j’avais dit d’abord non à tout ce qu’il m’avait demandé mais qu’au final, je le faisais quand même. J’attendis qu’il parle, j’étais curieux de savoir ce qu’il me préparait. Il m’offrit une clope.

-          Voilà ! Si Sylvain était un plan à Roberto, j’ai mes plans aussi. La différence, c’est que les miens tu ne peux pas les emmener aux Parasols. Tu devras te débrouiller, soit chez le mec, soit chez toi, voire au sauna. Les mecs sont parfois moins canons et c’est un peu moins bien payé aussi.

-          En gros, tu me demandes de faire la pute ?

-          Je n’ai pas dit ça ! Mais c’est hyper facile.

Pendant qu’on discutait, un gars en survêtement vint à notre rencontre. Son visage me disait quelque chose, mais le plus surprenant, c’est qu’il connaissait Lorenzo.

-          Oh, Lorenzo ! Ça va ma gueule ? l’interpela-t-il en lui faisant la bise.

Puis il se tourna vers moi pour me saluer, mais je n’avais toujours pas mixé l’image avec le son. Le gars voyant mes doutes, se présenta.

-          Christopher ! La soirée chez Karl, tu ne te rappelles plus ?

Oui bien sûr ! Les deux kiffeurs qui s’étaient invités. Lorenzo prit à part Christopher, me laissant dans mon coin à quelques mètres de la scène. Je n’entendis rien de leur conversation car ils se parlaient dans l’oreille, mais je vis clairement Lorenzo remettre quelque chose dans la paume de la main de l’autre, et Christopher faire de même. Il ne fallait pas sortir de Saint Cyr pour comprendre la manœuvre : Lorenzo dealait.

Dès que Christopher nous lâcha, Lorenzo revint avec moi, tout sourire. Il me fit un clin d’œil.

-          Bon, tu as compris ? Ça aussi je le fais et je peux tout avoir. Si tu as besoin de quelque chose, fais-moi signe et je te le livrerais.

Je ne répondis pas, me contentant de sourire, moi aussi. Puis, Lorenzo m’invita à retourner au bar. Là, je l’entendis clairement commander deux Cocas. Moi, j’avais plutôt envie de célébrer ma victoire et d’enchainer la soirée avec des mojitos bien dosés. Il embraya :

-          Avec Sylvain, tu as passé une étape. Maintenant, tu es prêt pour la seconde étape. Si tu veux rester performant et être choisi en priorité, tu ne dois pas toucher à toutes ces merdes : MDMA, GHB, coke, héroïne, chems, extasy etc… Tout ça, ce n’est pas pour toi, sinon tu te transformeras vite en épave. Moi, je vends, mais je n’y touche pas.

Le barman l’interrompit pour déposer les deux sodas devant nous. Lorenzo prit le sien en main.

-          Tu vois ça ? Ce n’est pas ce qui se fait de mieux en matière de boisson, mais c’est quasiment inoffensif et tu peux en boire toute la journée. Alors, commence à réduire ta consommation d’alcool au maximum, parce que l’alcool, ça empêche de bander, et c’est un accélérateur de vieillesse. En plus, à force de picoler, on finit par avoir une haleine de poney. Parfois, baiser s’apparente à une compétition sportive ou à une recherche d’embauche, et quand on commence à vieillir, la concurrence est féroce dans le sexe.

Je ne m’attendais pas à ce genre de discours de la part d’un gars comme lui, la suite n’allait pas tarder.

-          Au fait ! Tu me donnes quel âge ?

La question qui tue, qui pourrait décimer les meilleures amitiés et à laquelle on se plante tous une fois sur deux.

-          Euh ! Je ne sais pas : entre trente-cinq et quarante ans ?

-          Bingo ! Pour mes clients, c’est exactement ça, sauf que j’en ai quarante-six. Tu vois, je te dis tout parce que j’ai confiance en toi… J’ai quarante ans officiellement, et dans vingt ans j’aurai toujours quarante ans. Surtout si j’arrête la clope, l’alcool, la drogue et que je fais du sport à donf, tout en suivant un régime alimentaire strict. Et tu sais quel est l’élixir miracle, celui qui guérit tout ? Le sommeil, garçon !  C’est le sommeil… Bien dormir c’est le secret de tout ça.

Je l’écoutai débiter sans l’interrompre. J’avais un peu l’impression de découvrir l’eau chaude.

-          On ne peut pas empêcher le vieillissement mais on peut ralentir le processus et vieillir correctement. Crois-moi, ce n’est pas sorcier, mais il faut s’en donner les moyens, et ça ne tombe pas du ciel.

-          Pourquoi me dis-tu tout ça ?

-          Parce que je pense qu’on peut faire équipe tous les deux. Si Roberto a des plans, moi j’ai les miens, et on peut se faire de la thune, crois-moi !

-          Et que fais-tu de tes autres potes ? Puisque je ne serais pas le seul !

-          Mais ça va dépendre de toi, maintenant. On verra ce que tu mettras en place pour t’améliorer. Je ne te donnerais pas mes plans comme ça, garçon !

Lorenzo m’avait déroulé sa soi-disant recette miracle infaillible pour rester dans le coup. Moi, je ne savais plus quoi ajouter, mais j’étais perplexe.

-          Donc ! A partir de demain lundi, tu vas à la salle tous les jours et tu fais ce que je t’ai dit. Okay garçon ?

 

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2021

Copyright photo Vincent Desvaux "Circumpolaire" instagram VDESVAUX (c) 2021

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