Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Didier K. Expérience
8 septembre 2021

Les Circumpolaires E.8/34

Circumpolair

On se gara proche de l’entrée des Parasols, juste à côté de la Porsche de Roberto. Ce dernier nous accueillit à l’intérieur comme il se doit et nous claqua la bise. Manifestement, il était déjà au courant de ma venue : Lorenzo l’ayant averti par texto… Roberto nous invita à passer dans le salon sans plus de cérémonie. Moi, je suivis sans appréhension, me doutant qu’on n’allait pas se rouler sur les sofas devant les résidents de la maison d’hôtes qui baguenaudaient un peu partout avant d’aller dîner. Il nous servit des cafés.

-          Lorenzo t’a mis au courant, je suppose !

Je dodelinai, attendant la suite.

-          Très bien ! Donc, ce n’est pas compliqué, tu vas faire comme tu as l’habitude de faire. C’est juste pour que je sache ce que tu vaux. J’ai déjà eu un aperçu de ton équipement sous la douche du club et j’ai hâte de le voir en action, et tu es sans conteste un beau mec. J’ai confiance en ce que tu pourrais m’affirmer sur tes capacités, mais la confiance n’empêche pas le contrôle, comme on dit. Et puis, te connaitre intimement me permettra de rassurer les éventuels prétendants concernant tes performances… Ah oui, préservatif obligatoire avec moi. Sinon, tu es sous PrEP ? Séropo ?

-          Ni sous PrEP*, ni séropo, répondis-je surpris.

-          Excuse-moi d’être direct, mais vaut mieux être sûr de ce qu’on fait. Personnellement, je suis séropositif indétectable, donc ni contaminant ni contaminable, mais j’ai horreur de me choper des IST. Maintenant, tu sais tout.

Lorenzo garda le silence, dégustant son café.

-          As-tu des objections, des questions ? reprit-il.

J’avais la sensation de passer un entretien d’embauche tellement ils avaient l’air sérieux tous les deux. Généralement, le sexe c’est ludique, alors que là j’avais la nette impression de jouer mon avenir. C’était plutôt pesant et pas franchement drôle, pour le coup… Je ne relevai pas non plus le fait qu’il était séropo. Depuis le temps qu’on nous saoulait avec la prévention, je savais qu’il n’était pas contaminant puisqu’il était indétectable, et puis on utiliserait des préservatifs, donc zéro risque pour moi. Alors je fis signe que non, je n’avais ni objections ni questions.

-          Okay ! Alors, on y va. C’est à l’étage que ça se passera, ajouta-t-il en se levant.

Puis, se tournant vers Lorenzo :

-          Bébé ! Tu pourras t’assurer qu’il y a bien une bouteille de vin blanc au frais, s’il te plait ? On revient dans une trentaine de minutes.

Bébé ? Le mec était musclé comme un buffle et son petit nom, c’était bébé. Trop mignon ! Là, ce fut à moi d’adresser un clin d’œil rigolard à Lorenzo.

Je suivis Roberto jusque dans la chambre. Un tube de gel et des préservatifs se trouvaient sur le lit n’attendant plus que nous… Comme je n’avais pas réussi à baiser à la Villa Rouge la nuit passée, j’avais de la frustration en stock à évacuer. Sans vouloir me vanter, j’eus un barreau à casser des briques ce soir-là, ce qui ravit le patron des Parasols que j’envoyai planer à mille mètres. Finalement, tout le monde y trouva son compte y compris moi-même, c’est dire si j’en avais besoin.

Roberto sembla comblé, cependant, il se garda bien de l’exprimer. Je savais qu’il avait joui en même temps que moi, signant la fin de la prestation dans un duo de râles orang-outanesques. Ensuite, il me proposa de prendre une douche pendant qu’il remettrait la chambre en ordre, ce qui m’arrangeait, car si j’étais bien en sueur, j’espérais ne pas la prendre avec lui… Pendant que je me rhabillais, Roberto me demanda de rejoindre Lorenzo au salon : il n’en aurait pas pour très longtemps, mais sûrement pour plus longtemps que moi.

Au salon, je retrouvai Lorenzo qui pianotait sur son téléphone.

-          Alors ?

-          Je pense que ça s’est bien passé !

-          Canaille !

Dès que Roberto fut en bas des escaliers, Lorenzo se leva pour aller en cuisine. Il en revint avec un plateau contenant un seau à champagne et des verres. Il installa le tout sur la table basse. En guise de champagne, nous eûmes droit au fameux vin blanc. Lorenzo fit le service, nous levâmes nos verres en silence, moi j’attendais le verdict, mais sans me prendre la tête, non plus.

-          C’était très bien, Alex ! Tu as des choses à améliorer dans ta façon de faire, notamment devenir versatile. Je n’ai pas pu te prendre et ça m’a un peu déçu, mais sinon le reste était très bien, je valide.

-          C’est cool ! Sinon désolé, je n’aime pas me faire prendre, j’ai la rondelle fragile.

-          Mon cher Alex ! Ta rondelle, comme tu dis, est aussi une zone érogène, ça se travaille c’est tout. Si tu veux, Lorenzo te fera ça très bien.

Lorenzo éclata de rire, ravi du dénouement, moi moins.

-          Maintenant, je vais vous laisser, je dois m’occuper de mes hôtes… Lorenzo, tu le mets au parfum pour demain soir et tu lui explique ce qu’il doit améliorer, s’il te plait.

Améliorer ? Comment Lorenzo pouvait-il m’expliquer quelque chose ? On venait juste de coucher ensemble avec Roberto, et il n’avait rien dit. Ou alors oui, bien sûr par texto avant de descendre ?

Roberto nous quitta, non sans m’avoir bien embrassé sur les joues avant. Lorenzo me fit un clin d’œil complice, cette fois-ci. On se rassit et il se rapprocha de moi, en mode confidence.

-          Je pense que tu lui as bien plu. Tu lui as mis sa race à ma vieille. C’est cool, elle va me foutre la paix pendant au moins une semaine.

-          Mais de rien, bébé ! rétorquai-je en riant.

Il soupira.

-          Ce n’est pas facile tous les jours, mais on s’adapte… Ne t’inquiète pas ! Roberto aime bien jouer au patron de la CIA, c’est son côté « Everything is under control » …

Il soupira encore.

-          Bon, ouais t’as des choses à améliorer. Tu dois toujours être impeccable niveau présentation : barbe taillée, dents clean, haleine fraiche, coupe de cheveux nickel, propre comme un sou neuf, parfumé mais pas trop. Il faut qu’on puisse dîner à l’intérieur de ton cul s’il le fallait. Tu comprends ?

J’acquiesçai distraitement. L’image concernant mon cul me fit rire.

-          Nous, on ne t’enverra pas des princes ni des stars du showbiz, mais des gens normaux qui insistent sur la discrétion. Seulement, dis-toi bien que des mecs qui veulent baiser pour du fric, y en a plein ici. Alors la sélection est sévère, on ne prend pas n’importe qui. Et grâce à ce petit supplément d’activité, nous restons ouverts toute l’année.

Donc, si je comprenais, Roberto et Lorenzo me considéraient plutôt bien, alors.

-          Demain soir, le type que je t’ai montré en photo va vouloir la même prestation que celle de ce soir. Et pour deux cents boules, va falloir lui donner ton maximum, parce que s’il est satisfait, il te redemandera peut-être. Nous, on gagnera une location et toi des biffetons. C’est donnant-donnant tout ça.

-          Okay ! Comment vais-je rencontrer ton militaire ? Comment je le contacte ?

-          Il arrive demain après-midi pour son séminaire, c’est lui qui te contactera. Roberto lui donnera ton numéro de tel puis lui t’appellera… Bon, c’est la deuxième fois qu’il vient, pas de soucis, on le connait. Il est soi-disant hétéro et un dur à cuire, mais il partage son cul dès qu’il peut. Un conseil, ne donne pas tes vrais nom et prénom. Roberto ne lui donnera pas non plus. Alors, invente quelque chose de simple, tu nous diras après comment tu veux qu’on t’appelle. Je te file une astuce : il te faut un prénom qui te ressemble. Donc pas de Calvin ou de Bjorn, okay ? Toi, t’as une tête de latin, pas de nordique. Sinon, il trouvera ça louche et il te prendra pour un des vulgaires escort-boys à 30 boules qui pullulent sur Grindr. Il n’y a pas de putes qui rentrent aux Parasols, jamais… Comme a dit Roberto : « ici, on est entre gentlemen qui se rendent service ».

Lorenzo pointa son téléphone sur moi.

-          Fais-moi ton plus joli sourire de BG latino ? Merci. C’est pour envoyer à Sylvain.

Je m’étonnais : ils avaient l’air de penser à tout, y compris aux détails les plus insignifiants. Je n’étais pas escort-boy, je ne comptais pas le devenir non plus. Mais arrondir mes fins de mois de temps en temps grâce à eux, pourquoi pas, après tout.

-          Donc, tu ne t’appelles pas Lorenzo ? demandai-je en riant.

-          Tu veux tout savoir, toi ? Bah okay je te le dis : je m’appelle Laurent, en fait. Ah, ça casse le mythe, hein ! Mais voilà, tout le monde trouve que je fais rital, alors que je suis bêtement breton de naissance, mais bon, on s’en fout. J’aime bien Lorenzo maintenant.

Effectivement, j’étais déçu. Je l’imaginais chevauchant nu des purs sangs andalous ou arabes plutôt que ramasseur d’artichauts ou amateur de crêpes saucisses. Mais il avait raison, on s’en foutait. C’était cool qu’il me révèle son prénom. Je le pris comme une marque de confiance. D’ailleurs, lui-même connaissait ma véritable identité.

-          Autre chose. Bien souvent, quand le mec est satisfait, il aime bien boire un verre en compagnie de son amant. C’est cool, mais ne t’attarde pas trop, sinon on finit immanquablement par se faire des confidences. Crois-moi, plus on est discret, mieux c’est.

J’appréciai cette franchise, mais ça faisait quand même un peu parano. Je notai aussi qu’il n’avait pas une seule fois utilisé le mot de « client ». Il marchait sur des œufs, mais il avait l’air de maitriser son discours.

-          Si ça marche demain soir avec Sylvain, on t’en confiera d’autres dès qu’on pourra. Mais motus absolu ! Tu n’en parles à personne, même pas à ton oreiller. On n’a pas envie de voir débarquer les flics.

-          Pourquoi, c’est illégal ?

-          Euh, non ! Mais les flics ici, pas bon pour le business… Allez, je te ramène à Montpellier.

Lorenzo me déposa ensuite vers Antigone, proche de l’Ecusson. Avant de se quitter, je lui promis de lui envoyer mon nouveau nom par texto dans la soirée… En rentrant, je réfléchissais à tout ce qu’on s’était dit et j’en vins à la conclusion suivante : si ça marchait, il y avait beaucoup d’argent à se faire, sinon, j’aurais passé un moment agréable avec des mythos.

*Prophylaxie Pré-exposition au VIH. Antirétroviraux qui empêchent la propagation du VIH en cas d’exposition.

 

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2021

Copyright photo Vincent Desvaux "Circumpolaire" instagram VDESVAUX (c) 2021

(Si cette histoire vous a plu, n’oubliez pas de liker. Merci. Retrouvez la communauté des lecteurs sur Facebook, DKalionian BlogImaginaire)

Publicité
Publicité
Commentaires
Didier K. Expérience
Publicité
Archives
Newsletter
12 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 21 673
Publicité