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Didier K. Expérience
10 décembre 2020

Paristanbul - E.5/6

Paristanbul 5

En retournant à Istanbul après l’escapade à Bursa, j’ai rencontré des membres de la communauté arménienne de Turquie. Eh oui ! Il en reste environ 60 000, principalement concentrés à Istanbul et sa région. Ils étaient plus de 2 millions avant 1915.

J’ai rencontré ces gens grâce à une militante turque des Droits de l’Homme : Ayse Gunaysu, une femme formidable.

Grace à Ayse, j’ai pu rencontrer la directrice de la mythique école Getronagan, qui me fit visiter le bâtiment, les classes, rencontrer des élèves, et avec qui j’ai pu discuter de la vie qu’ils menaient aujourd’hui… Le passé à un poids indéniable, mais c’est le passé. Aujourd’hui, cette minuscule communauté vit bien et se sent parfaitement bien intégrée dans le paysage turc. D’ailleurs, ils sont tous de nationalité turque. Une seule obligation et non des moindes tout de même : ils ne peuvent pas s’exprimer librement.

Si les arméniens de Turquie ne peuvent pas s’exprimer librement, ils ont quand même, un journal qui le fait à leur place : Agos. L’organe de presse qui fut dirigé par Hrant Dink, jusqu’à son assassinat, devant les locaux du journal, dans le quartier d’Osmanbey, en janvier 2007, par un jeune nationaliste turc de 17 ans ; soit quelques mois avant ma venue.

Là aussi, j’ai pu discuter avec des gens formidables, qui avaient conservé une foi inébranlable dans l’espoir qu’ils avaient à vouloir faire avancer la démocratie dans ce pays. Depuis la mort de Hrant Dink, des centaines de Turcs s’étaient spontanément abonnés, confirmant que le présent était bien différent du passé… Comble du hasard, lors de ma visite, je tombai nez a nez avec l’acteur et réalisateur Serge Avédikian, qui était de passage à Istanbul. On fit de belles photos tous ensemble à Agos.

Grace au patron de Arash Publishing House, un éditeur de livres et de revues arméniennes, j’ai pu rencontrer un autre poids lourd de la communauté, un médecin de l’hôpital ultra moderne de Surp Pirgiç à Bakirkoy. Il me fit la visite guidée des bâtiments : il me montra toutes les installations ainsi que la tombe du bienfaiteur : Kalouste Gulbenkian.

En guise d’au revoir, il m’invita à la fête de l’hôpital qui avait lieu quelques jours plus tard… Un barbecue géant était organisé dans les jardins de l’hôpital ; toute la communauté y était invitée : tout y était gratuit. Avant de pénétrer dans les jardins, il fallut passer à la fouille et par des portiques de sécurité, organisées par la police turque : c’est à la fois pratique pour protéger et contrôler ce qui s’y passe. Je remarquais aussi, que des ballons de couleur rouge, bleu et blanc étaient disposés un peu partout comme décoration, symbolisant le drapeau arménien ; sauf que le drapeau arménien n’est pas de ces couleurs-là. On m’expliqua qu’il était interdit de le brandir en Turquie, donc, ils feintaient un peu … Le patriarche des Arméniens de Turquie, Mesrob II, était là aussi. On ne m’autorisa pas à le prendre en photo : je n’ai jamais su la raison du refus.

S’il ne reste plus d’églises arméniennes en Turquie, il y en a encore en activité à Istanbul. Moi qui ne suis pas croyant, je fis quand même les visites de ces lieux avec plaisir. Ces églises ont la particularité d’être ceint de murs de protection : les dégradations volontaires sont fréquentes. Autre petite humiliation : les étals des poissonniers se tiennent le long des murs des églises : une odeur pestilentielle de poisson pourri traine dans l’air en permanence. Ici, un fumet nauséabond remplace l’encens.

Humiliations suprêmes : il existe une avenue à Ankara du nom de Mehmet Talaat Pacha, l’organisateur du génocide arménien. C’est comme s’il existait une avenue Adolf Hitler à Berlin. Il a également un mausolée à Istanbul qu’on peut visiter. Je déclinais l’invitation : c’était au-dessus de mes forces. En revanche, j’ai visité le mausolée du sultan Abdülhamid II, l’autre génocideur des Arméniens. Cette visite fut courte et purement symbolique : l’endroit étant d’une banalité absolue.

En tout cas, être Arménien en Turquie aujourd’hui, est un acte de foi et de résistance très fort, qui va au-delà de la reconnaissance du génocide. Cette communauté existe, et malgré quelques vexations, elle résiste plutôt bien à la pression. Ça m’a rendu extrêmement fier d’en faire partie.

 

Didier Kalionian  - Le Blog Imaginaire (C) 2019 - 2020

La version originale de ce texte a été publié sur le site de Yevrobatsi.org en juin 2007.

(Si cette histoire vous a plu, n’oubliez pas de liker. Merci. Retrouvez la communauté des lecteurs sur Facebook, DKalionian BlogImaginaire)

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