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Didier K. Expérience
2 août 2021

Bouche-à-nœuds E.22/35

  

Bouche-à-noeuds

Je suis sortie du commissariat plutôt dubitative, je n’avais pas l’impression que ma déposition servirait à quelque chose. Ma pauvre Gina, ton dossier finira sûrement au classement très vite, voire à la poubelle. J’étais aussi surprise qu’il ne me pose pas de question sur ce que j’aurais pu voir aux alentours de l’église quelques heures plus tard. Bah non ! Il s’était contenté de borner l’affaire. Mon coup de charme avait également floppé lamentablement. Bizarre ce flic !

J’attendais le tram à la station Voltaire, quand je reçus un texto de Jenny. Il était pourtant encore tôt dans l’après-midi, c’est-à-dire, 15h du matin pour elle ! Qu’est-ce qui pouvait bien la motiver autant ?

« Cc ma belle, rendez-vous à minuit au Bar des Sports. »

Donc, notre Jenny sans bouillir daignerait nous gratifier de sa présence cette nuit. C’était une nouvelle étrange, pas du tout son genre de prendre des rendez-vous pour faire ce que tout le monde savait qu’elle ferait sur l’avenue de Toulouse. Mais peut-être avait-elle décidé de passer à l’action ? De toute façon, ça me pendait au nez, faudrait que je reste sur mes gardes.

J’étais lasse de toutes ces manigances, les humains ne sont vraiment que des manipulateurs invétérés : c’était vraiment épuisant d’en faire partie… Mais en rentrant chez moi, je m’arrêtai devant le Carrefour City de mon quartier. Une manigance de plus m’obligeait à y pénétrer pour régler notre problème d’ardoise. La boutique n’étant pas très grande, je n’eus pas trop de mal à trouver le gérant. Je m’adressai au premier employé venu qui m’indiqua le grand type, genre rugbyman, en polo bleu aux armes du magasin qui surveillait du côté des caisses.

-          Bonjour, vous êtes bien le directeur de cet établissement ?

-          Le gérant, seulement. Que puis-je faire pour vous ?

-          Je suis Marly Magnol. La fille de Mme Esmeralda Magnol.

-          Et alors ?

-          Ma mère a une ardoise ici, et elle m’a dit que vous ne vouliez plus lui faire crédit.

-          Ah, c’est vous ! On va aller dans mon bureau pour discuter de ça tranquillement.

Je lui emboitai le pas. On se retrouva dans un bureau-bocal dont les vitres étaient rendues opaques par des stores tirés. Il ferma à clef derrière moi : il ne fallait pas être très sotte pour comprendre ce que ça voulait dire. Il me proposa de m’assoir, lui se tenant debout, adossé à son bureau.

-          Tout d’abord, je tiens à vous dire qu’on ne peut plus faire de crédit à nos clients, fussent-ils de bons clients de longue date. Mon prédécesseur faisait un peu trop de social et nous avons eu trop d’impayés. Aujourd’hui, ce n’est plus la politique de la maison. Vous comprenez ?

-          On a tous nos problématiques, vous savez ! dis-je l’air ingénu. Je pense qu’on peut trouver un terrain d’entente. Il suffit de réfléchir un peu. Il y a bien un sujet sur lequel on pourra être d’accord.

J’avais l’impression de jouer une scène dans un vieux porno français des seventies, « La Bourgeoise ou la Putain ! » un truc comme ça. Sainte Brigitte Lahaie, priez pour moi ! pensai-je.

-          Votre mère m’a expliqué en quoi consistait votre « travail », dit-il en mimant les guillemets.

-          Oh ! fis-je, en restant la bouche en cul de poule.

Là, j’avais vraiment l’air d’une cruche, mais j’avais l’habitude de jouer les connes de service, sinon, ces messieurs avaient parfois du mal à durcir devant une femme si pleine de hardiesse. Faut bien aussi entretenir leur machisme de temps en temps…

-          Est-ce que…

-          Je vous en prie, monsieur.

J’étais déjà assise, je n’eus plus qu’à lui baisser la braguette pour pratiquer ce que je savais faire le mieux : une pipe. On a le surnom qu’on mérite, et Bouche-à-nœuds n’était pas une appellation usurpée.

En revanche, je n’avais pas pensé à apporter des préservatifs, ce qui constituait une faute professionnelle grave. Ça faisait tellement longtemps que je jouais à la roulette russe, qu’un jour je gagnerais le gros lot. Tant pis, je ferais sans.

Je pris mon courage à deux mains et j’empoignai son engin libéré de son slip trop serré. Son excitation était tellement forte qu’il ne mit pas plus de cinq minutes à jouir, ce qui m’arrangeait. En entendant ses petits gémissements monter, je sus qu’il n’allait pas tarder à gicler, et j’eus juste le temps d’éviter la purée qui vint s’écraser sur ses godasses. Sa belle carrure s’était dégonflée d’un coup, mais il reprit vite de sa superbe, ravi qu’il fût.

-          Je suis désolé, c’était un peu rapide, mais je n’ai pas vraiment le temps, me dit-il.

Comme si moi, je n’avais que ça à faire ou que j’étais venue pour le plaisir. Ah, ces hommes ! J’te jure ! … On se rajusta rapidement tous les deux.

-          Business is business, répondis-je… Au fait, c’est autorisé ce genre de galipette dans votre enseigne ?

-          Pas vraiment. Je compte sur votre discrétion, d’ailleurs.

-          Donc, on continue l’ardoise comme avant ?

-          Si ça vous arrange, bien sûr !... On pourra se revoir ? Moi, c’est Régis !

-          Enchantée ! Pourquoi pas, mais moi je travaille, lui rappelai-je en frottant mon pouce contre l’index.

Il acquiesça d’un signe de tête en recevant ma carte avec mes coordonnées. Puis, il me raccompagna sur le perron du magasin. Il se tenait tellement près de moi que j’ai cru qu’il allait me faire la bise pour me dire au revoir comme à une vieille copine. Une pipe ça n’engage à rien, on n’allait pas se marier non plus. Fort heureusement, on se quitta, l’un soulagé et l’autre satisfaite …

Cette fois-ci je rentrai chez moi avec le sentiment du devoir accompli. J’avais réglé momentanément notre problème de ravitaillement, et j’étais certaine qu’il reviendrait à la charge, pour se faire décharger, justement. Bon, ce n’était pas vraiment un problème, dans le sens où ce n’était pas un peine-à-jouir, et qui sait, un futur client.

Ma mère m’accueillit avec Mishka dans ses bras. Le chat portait une collerette qui lui donnait un petit côté Henri IV. Que lui arrivait-il ?

-          Marly ! Fais un bisou à ton petit frère. Il s’est fait opérer aujourd’hui, il n’embêtera plus ses voisines. Fini le matou voyou !

Oh merde ! Elle avait fait castrer le chat ! Bon, ça lui pendait au nez ! Maintenant, il nous foutrait la paix.

-          Maman ! Je n’embrasse pas les chats, je les écrase sous mes roues, dis-je en riant.

-          Oh ! La vilaine qui fait peur à mon Minoshka tout mimi. La prunelle de mes yeux, l’amour de ma vie, dit-elle en secouant ce gros sac à puces.

-          Au fait ! J’ai vu le gérant du Carrefour City, c’est réglé. L’ardoise est même rallongée.

-          Super, ma fille ! Je vais aller faire les courses tout de suite. Qu’est-ce que tu veux manger demain midi ?

-          Ça m’est égal, du moment que ça se mange… En revanche, prends-moi des clopes !

-          Ben, ils n’en vendent pas à Carrefour.

-          Je suis sûre que si maintenant. Demande au gérant !

Pendant que ma mère se préparait à sortir pour tester le nouvel accord entre Carrefour City et nous, je remis mon cran dans mon sac ainsi que des préservatifs pour la nuit. Je me dis qu’il faudrait que je passe au camion pour faire un test VIH aussi. Non que j’eusse peur de ce que j’avais fait avec le gérant du magasin, mais il fallait que j’en fasse un de toute façon. Les MST s’agrippaient à moi comme des bigorneaux à leur rocher. En avoir, c’était chiant, mais les refiler aux clients, c’était l’assurance de baisser le rideau définitivement !

 

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2021

Copyright photo Didier Kalionian "Abribus" instagram (c) 2021

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