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Didier K. Expérience
16 janvier 2023

Entretien Sans Freins (Une vraie fausse interview de Jake E. Lee) 16/20

Jake E

Le premier album éponyme aura laissé un bon goût dans la bouche et un bon souvenir qu’il fallait bien confirmer un jour. Or, le second album mettra quasiment quatre ans à arriver, une éternité dans ce monde pressé et avide de nouveauté. Celui-ci s’intitule « Patina » et est sorti en novembre 2018. Le premier single et vidéo-clip « Havana », affirme tout de suite que le groupe est revenu et qu’il est en pleine forme.

-          Comment s’est déroulé le processus pour « Patina » ?

-          Très lentement ! Je me suis enfermé dans le studio d’Anthony en Pennsylvanie, et on a composé pendant près de 18 mois. Le processus fut long et lent, mais j’aime le résultat. « Patina » reflète exactement mon état d’esprit et le résultat est exactement ce que j’espérais. Et comme tu as pu t’en apercevoir, Darren était là et bien là, sur tous les titres.

Cette fois-ci, c’est moi qui ris.

-          Et donc, Phil Varone (ex Saigon Kick et ex Skid Row) a repris les baguettes derrière les fûts de Jonas.

-          Oui, c’est un sacré professionnel et un batteur exceptionnel. Et un mec cool…

-          Il aurait eu aussi une carrière parallèle dans le porno… N’est-ce pas trop éloigné du milieu musical ?

-          Je n’en ai rien à foutre. Avec Red Dragon Cartel, il joue de la batterie et il y est excellent. Si tu veux savoir des choses sur ce qu’il a fait en dehors du groupe, tu peux toujours lui demander.

Ah ! Voilà une question qui ne passe pas, je ravale ma langue et j’enchaine sur autre chose. D’ailleurs, Jake regarde sa montre et me fait signe d’accélérer.

-          Pas moins de quatre clips ont été réalisés pour cet album. « Havana », « Bitter », « Speedbag » et « Crooked Man ». Les trois premiers sont des clips où vous êtes en formation live, alors que « Crooked Man » est un montage d’images plutôt politiques, puisqu’on y voit une association entre Adolf Hitler et Richard Nixon, par exemple. C’est nouveau ce thème chez toi, non ?

-          Ça explique bien les paroles, je trouve. De plus « Crooked Man » est un de mes titres préférés sur cet album. J’adore le thème musical, Darren chante parfaitement bien dessus, elle rend bien sur scène en plus. Le clip est okay, je n’ai rien d’autre à en dire. Ce clip n’a pas déclenché les foudres de la censure, donc tout va bien. On a passé l’âge de mettre des pin-ups qui se trémoussent sur la plage de Malibu, et ça ne correspond en rien à ce qu’on veut faire.

-          Justement, quel est ton titre préféré ?

-          C’est incontestablement « Ink & Water », l’intro est jazzy, mais c’est un morceau très hard rock, très roots, à l’ancienne quoi ! La diversité qu’on peut trouver sur cet album devrait plaire à un plus grand nombre. La qualité est là aussi. J’adore le boulot qu’on a fourni sur ce titre et sur l’album, vraiment.

-          Sur les trois premiers clips tu arbores un look un peu négligé, barbu, hirsute, une coupe de cheveux à la doggy style, très loin du look sexy des débuts, non ?

Jake se redresse sur son siège et me fait une grimace, comme s’il allait prendre la mouche. Manifestement, ça ne lui plait pas. Il me montre ses dents. J’affiche ma surprise :

-          Et mes dents, elles te plaisent ? Elles sont bien alignées ? Quoi d’autre pour te plaire ? Du rouge à lèvre peut-être ? Ou un lifting ? Quel profil te plait, le gauche ou le droit ?

-          C’est juste une question concernant ton look, c’est tout.

-          Franchement, on s’en fout. En tout cas, moi je m’en fous. Je n’ai même pas envie d’en discuter.

-          Les clips sont visibles sur Internet et c’est aussi là-dessus que les fans jugent le groupe, tu ne crois pas ?

-          Non !

La réponse est sans appel et m’oblige à changer de registre. Je sais que Jake n’est pas un homme capricieux, mais il peut se montrer très borné, ce qui dévoile une bonne partie de son caractère : ce n’est pas un gars facile. En revanche, ça confirme ce qu’il disait plus haut : il ne fera rien qui ne serait pas en accord avec ses convictions. Les compromissions sont de l’ordre du passé, désormais.

Je sens bien que l’interview touche à sa fin, Jake n’est plus aussi concentré qu’hier, et ce qui l’amusait commence à l’ennuyer, c’est flagrant. Sa nervosité est presque palpable.

J’aimerais faire une pause prolongée pour pouvoir faire des points de contrôle. Je sais que je trouverais facilement des choses concernant l’album, mais aussi ce que je ne devrais pas savoir… « Patina » a été très bien accueilli par la presse rock du monde entier, et notamment en France, l’album fut bien noté. Anthony Esposito a fourni un excellent travail de producteur, mais il fut bien secondé, puisque c’est le grand Max Norman qui a coproduit l’album avec lui, celui-là même qui avait produit « Bark At The Moon ». Si le premier album avait une production très moderne, « Patina » en a une très orientée dans les seventies et eighties. D’ailleurs le titre de l’album vient de là : cette patine, correspond à ce que devrait devenir le bon vin, voire le bon whisky quand il arrive à maturation. Cette maturité est flagrante : Jake est toujours le grand guitariste qu’il a été depuis qu’on le connait, et son jeu est toujours aussi flamboyant à 61 ans.

Cependant, si les premiers titres impressionnent, le tempo ralentit en même temps que l’inspiration, dirait-on. Ce second effort est bon, mais moins intéressant que ne l’était le premier. Je ne suis pas le seul à le ressentir puisque malheureusement, cette déception s’est concrétisée assez rapidement par des ventes très faibles. L’album n’est même pas classé au Billboard 200, ce qui est un signe incontestable : les fans du premier album n’ont pas suivi et le groupe n’en a pas gagné de nouveaux.

Quant à la tournée, elle a été très courte, à peine vingt-cinq dates, uniquement aux États-Unis. Ce qui explique peut-être que Jake soit seul pour répondre à mes questions aujourd’hui à Paris.

-          Autre chose ?

-          Euh oui !... Vous avez fait une tournée assez courte en 2019 ? Comment se fait-il ?

-          C’est comme ça ! De toute façon, je n’aime pas partir en tournée trop longtemps.

-          Et en 2020 ?

-          Pour le moment, nous avons une seule date prévue le 1er mai 2020 en première partie d’Accept à New York. Mais d’autres dates sont à l’étude. On révèlera plus tard ce qui a été retenu.

-          Est-ce que ça fera partie des sujets que vous aurez à discuter avec les gens de Frontiers ce soir ?

-          Sûrement ! Entre autres choses.

-          Concernant le concert raté que vous avez donné au Whisky-a-gogo de Los Angeles dernièrement. Vous n’aviez pas l’air d’être en forme ? Que s’est-il passé ?

Jake remue sur son siège, il ne tient plus en place, là.

-          Qui te dit que ce concert était raté ? Qui te dit qu’on n’a pas joué comme on voulait ? Moi, je dis que c’était un très bon concert et qu’on y a fait ce qu’on devait y faire.

Selon les points de contrôle que j’avais effectués pour élaborer mes questions, j’avais trouvé quelques éléments qui expliquaient le flop du concert au Whisky. C’était la troisième date de la tournée et le groupe ne s’était pas assez préparé, semble-t-il. En fait, Darren n’était pas en voix, mais Jake s’est énervé dans les médias à chaque fois qu’on lui en a parlé. J’ai droit également à un rejet, mais assez soft.

Bon, c’est la troisième fois qu’il s’énerve en cinq minutes, va falloir que je change de tactique ou qu’on termine, mais si on termine, je veux que ce soit sur une note tranquille.

-          Autre chose ?

Je réfléchis à toute vitesse à une question subsidiaire.

-          Y aura-t-il un troisième album avec Red Dragon Cartel ?

Jake se décontracte et se rassoit plus confortablement dans son siège. Il a laissé tomber le vapot, il s’allume une clope. Cette fois-ci, c’est lui qui réfléchit à ce qu’il va dire.

-          Il y aura un troisième album que si je juge opportun d’en faire un troisième. Je contrôle ce projet d’un bout à l’autre : c’est mon projet. Personne ne peut me dire ce que je dois faire avec Red Dragon Cartel. Aujourd’hui, je suis avec Anthony, Darren et Phil, mais demain je ne sais pas qui sera encore là. Ces musiciens sont également libres de participer ou pas, personne n’est attaché à ce groupe, sauf moi.

-          Ton style de jeu a considérablement évolué depuis la période avec Ozzy Osbourne, non ?

-          C’est même une évidence ! Je ne comprendrais jamais les gens qui font toujours la même chose. Comme je te l’ai déjà dit, quand j’ai été viré de chez Ozzy, j’ai reçu un nombre incalculable d’offres pour intégrer telle ou telle formation, mais pour y faire la même chose qu’avec Ozzy… Quand j’ai démarré la guitare, mon premier groupe était un groupe de funk, avec saxo, trompettes, congas etc. J’ai adoré jouer ce style ! Ensuite, j’ai découvert Carlos Santana, c’était diffèrent, mais ça ouvrait des perspectives musicales incroyables pour moi. Le vrai choc, fut Jimi Hendrix bien sûr, mais c’est quand j’ai vu Black Sabbath sur scène (avec Ozzy donc) au début des seventies, que j’ai su que je voulais en faire mon métier : je voulais faire ça ! répète-t-il en pointant du doigt la table. C’était tellement cool, tellement fort, c’était hallucinant pour l’époque…

Jake écrase négligemment sa clope dans le cendrier, et rallume son vapot.

-          Quand je revois ces groupes qui voulaient que je joue avec eux, je me dis qu’on n’était vraiment pas sur la même longueur d’ondes. Pourquoi refaire ce que j’avais déjà fait ? Ce que j’ai créé avec Ozzy, je l’ai fait et bien fait ! Je ne regrette rien, j’en suis fier, mais c’était une conjonction de plusieurs facteurs qui ont fait que c’était possible à ce moment-là… Personne ne réalise indéfiniment les mêmes choses toute sa vie ! Alors, pourquoi devrais-je continuer dans un style que je n’aime plus ? Mon style et mes goûts sont en constantes évolutions, comme tout le monde sur cette Terre. Je ne suis pas une exception. Enfin, je ne crois pas, termine-t-il en riant.

-          Mais tu es quand même uniquement répertorié dans le hard rock / heavy metal, c’est un peu ta marque de fabrique. On ne te connait même dans aucun autre style, non ?

-          J’aime quand la guitare hurle, quand le son est très fort, quand tes oreilles explosent, c’est pour cette raison que je fais ce style. A l’inverse, je n’aime pas du tout la guitare acoustique, je n’en ai jamais possédé et je n’en joue jamais non plus. À part « Killer Of Giants » sur le second album que j’ai fait avec Ozzy, où l’intro est jouée en électro acoustique. Il n’y a aucun autre enregistrement de ce genre-là… J’aime tous les styles de musique, vraiment tous, c’est vrai que je joue majoritairement du hard rock, mais tu retrouveras des éléments de jazz, ou de blues, ou de funk, ou de rock dans toutes mes chansons.

-          La plupart des gens continuent dans le même style pour l’argent ou par peur de ne plus plaire, ne crois-tu pas ?

-          C’est une erreur ! Tu crois que Jimi Hendrix s’intéressait à son compte en banque ? Bien sûr que non !... Okay, il s’est fait arnaquer, ça tout le monde le sait, mais il ne s’intéressait qu’à son œuvre, qu’à sa musique, et qu’à la musique qui était en constante évolution. Moi, j’ai des gens compétents qui s’occupent de mes affaires, et j’ai un œil sur eux quoi qu’il arrive, mais je ne laisserai jamais ce business me bouffer la vie, jamais ! Je ne prendrai jamais en considération l’avis d’un directeur artistique ou commercial, sauf si ça va dans mon sens… J’ai travaillé avec des grands artistes et j’ai travaillé avec mes propres groupes. J’ai connu toutes sortes de pressions, mais désormais, seules les pressions que je maitrise sont acceptables… C’est pour ça, je te le redis, il n’y aura un troisième album que si ça en vaut la peine, et pas parce qu’il faut en faire un autre pour durer.

Je propose à Jake de terminer l’interview sur cette note positive. Il me sourit et manifestement, c’est le bon moment pour arrêter.

Il fouille dans ses poches, son paquet de cigarettes est vide. Il me regarde avec des yeux de chat battu, presque implorant.

-          Tu sais où je pourrais en trouver dans ce quartier ?

-          Bien sûr ! Si tu veux, je t’accompagne…

 

Didier Kalionian - le Blog Imaginaire (c) 2020

Credit photo : Charvel Guitar US (c) 2020

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