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Didier K. Expérience
9 janvier 2023

Entretien Sans Freins (Une vraie fausse interview de Jake E. Lee) 9/20

Jake E

L’album « The Ultimate Sin » sortira fin février ’86 et atteindra la 6ème place du Billboard 200, la plus haute place jamais atteinte par un des albums d’Ozzy. Ce second effort sera le dernier pour Jake E. Lee au sein du groupe d’Ozzy Osbourne. Effectivement, la pochette est la plus ratée de toute la carrière du madman. Si l’album se vendit très bien, les critiques le descendirent en flames.

Sharon Osbourne mit en place une énorme tournée mondiale qui se déroula tout le long de l’année ’86 et se termina au tout début ’87. Cette fois-ci, la tournée européenne fut réduite à son minimum, soit les deux Irlande et le Royaume-Uni, avec Ratt en première partie. Les Osbourne décidèrent d’axer la future campagne sur les États-Unis et délaissèrent le reste du monde. Si le ticket gagnant de ’84 avait été la tournée Ozzy Osbourne / Mötley Crüe, celui de ’86 sera incontestablement la tournée Ozzy Osbourne / Metallica qui se tiendrait sur le sol américain pendant une bonne partie de l’année et à guichets fermés.

-          Comment était l’ambiance au sein du groupe ?

-          En ce qui me concernait, elle était bonne avec Randy Castillo et John Sinclair (clavier sur scène), pas géniale avec Phil Soussan, avec qui je ne m’entendais pas vraiment, et quasi inexistante avec Ozzy. Je ne sais pas si c’était d’avoir obtenu ce contrat qui me permettait de toucher mes royalties qui grippait nos relations, mais Ozzy se montrait on ne peut plus distant.

-          Et entre Phil Soussan et Ozzy ?

-          Tant qu’on était sur scène, tout allait plus ou moins bien entre eux. Ils arrivèrent à tenir tant bien que mal jusqu’à la fin de la tournée. Phil n’était pas assez rigoureux sur scène et faisait pas mal d’erreurs. Je lui ai sauvé la mise plusieurs fois quand Ozzy voulait le virer. Tant qu’il accepta encore de m’écouter.

-          Pourtant, vous ne vous entendiez pas ?

-          Non ! Phil Soussan est ce qu’on appelle un intrigant, qui essaie toujours de se placer. Moi, je lui sauvais la mise, pendant que lui suppliait Ozzy de me virer, pour qu’il soit le seul compositeur pour l’album suivant. Quel enfoiré ! This guy is a real dick !

L’interview me semble plus relaxe à mesure qu’on quitte les rivages de l’époque d’Ozzy Osbourne. Jake détend ses jambes, empoigne souvent sa guitare pour gratter tout en parlant. Ce qui devrait s’entendre sur l’enregistrement et qui m’empêchera sûrement de retranscrire correctement ensuite. Mais ce n’est pas grave, cette conversation me plait, je n’en espérais pas tant.

-          Si je peux me permettre de donner mon avis. C’est quand même dingue cette histoire d’appropriation des droits, car cette chanson existait déjà avec le groupe Wildlife, donc Ozzy n’avait aucune chance de gagner le procès, non ?

Jake souffle la fumée de son vapot dans ma direction, avec l’air de dire « je n’y peux rien, mec ! ».

-          Jusqu’au dernier moment, Phil a espéré qu’Ozzy changerait d’avis, il a essayé de l’amadouer. Mais quand Ozzy a décidé de ne pas te payer, rien ne le fera changer. Qu’importe que tu aies raison ou pas. Donc, le clash fut inévitable et Phil fut viré trois mois après moi… Tu vois, intriguer ne lui aura servi à rien. Leur relation s’est définitivement détériorée après son limogeage, quand Phil a accroché la plainte auprès d’un tribunal compétent aux États-Unis, suite au non versement des royalties sur le single « Shot In The Dark ».

-          Et toi, pourquoi n’as-tu pas essayé de te défendre en justice ?

-          Parce que je savais bien que je m’étais fait entuber, mais je m’étais fait entuber légalement. J’avais signé un contrat, j’étais jeune, j’aurais pu refuser le gros chèque, mais j’ai accepté. Donc point final !... Bob Daisley a choisi les tribunaux et il a perdu… Et à cette époque, si je l’avais fait, j’aurais été grillé partout. Plus personne n’aurait voulu m’engager. Un mec qui se défend est un mec dangereux, et les stars veulent du glamour et des paillettes, pas des casse-couilles.

Jake me fait signe d’enchainer.

-          Il devait régner une drôle d’ambiance pendant la tournée ?

-          On ne se parlait pas, c’est tout. Dès que le show était terminé, on regagnait nos chambres d’hôtel ou le tour-bus, et voilà. Ozzy faisait la fête de son côté, sauf quand Sharon était dans les parages. Sinon tout se passait bien.

-          Et avec les mecs de Metallica ?

-          Eux ? Ils étaient charmants. On se connaissait déjà : je les avais rencontrés ici en France, lors d’un petit festival (Ndr le Breaking Sound Festival de Brétigny sur Orge en 1984). Kirk Hammet était un fan vraiment très respectueux. Rien à voir avec les mecs de Mötley Crüe qui passaient leur temps défoncés… Bon, les mecs de Metallica ne suçaient pas de la glace non plus, mais ils étaient toujours hyper pros… Ça fait bien longtemps que je n’ai pas eu de leurs nouvelles.

Concernant le fameux contrat que Jake E. Lee aurait signé : le montant du chèque pour le dissuader de réclamer ses droits sur l’album « Bark At The Moon » s’élèverait à 250 000 $. Nous sommes en 1983, donc la valeur en serait sûrement doublée en 2019. Une sacrée somme quand on se remémore le contexte... Jake E. Lee était un inconnu, certes talentueux, mais toujours inconnu, et il aurait perçu cet argent en plus de son salaire. Lors de la sortie de cet album, personne ne pouvait savoir qu’il cartonnerait autant, donc Ozzy prenait un risque également car pour dégager un tel profit, il faut en vendre, des disques ! Combien de bons albums n’ont pas marché et ont fini dans les oubliettes de l’histoire du rock ? Sûrement des milliers. La façon de faire d’Ozzy est franchement discutable, mais pas si injuste. D’ailleurs, Jake n’a jamais poursuivi Ozzy en justice, ni en 1983 ni en 2008 lors de son éventuel come-back dans le groupe. Jake E. Lee a révélé lui-même ces informations dans divers médias tout au long de sa carrière.

L’histoire des droits de Phil Soussan est plus rocambolesque. Comme le personnage est un peu douteux, il est fort possible qu’il ait bénéficié d’un arrangement comme Jake E. Lee. Mais il aurait senti lui aussi, que sa chanson « Shot In The Dark », pouvait cartonner, et qu’elle était susceptible de lui rapporter bien plus que l’arrangement.

Le temps de la justice n’est pas le même que celui des hommes, c’est bien connu, et la plainte de Phil Soussan a été longue à être instruite. Mais elle a eu des effets immédiats, car Ozzy était sûr de perdre. Comme dit plus haut dans l’interview : la chanson existait depuis plusieurs années et avait été enregistrée originellement par le groupe Wildlife. Pour limiter le reversement de royalties, Ozzy fit supprimer de son catalogue tous les supports contenant le titre dès 1992. Zakk Wylde en fit les frais indirectement, puisque les deux albums live sortis depuis qu’il était dans le groupe, « Just Say Ozzy » et « Live & Loud », furent aussi supprimés. Quant à l’album « The Ultimate Sin », il subirait un sort quasi similaire car de 1992 à 2002, l’album ne fut quasiment pas réédité avant d’être finalement supprimé, privant Jake E. Lee de revenus de 1992 jusqu’à la republication de celui-ci en 2019.

A ce jour, Ozzy Osbourne a perdu tous les procès concernant son litige avec Phil Soussan. Cependant, la ressortie de l’album live « Live & Loud » ainsi que celle de « The Ultimate Sin » indique clairement qu’un accord a été trouvé entre les deux parties. Les informations concernant Phil Soussan sont très limitées et ne permettent pas d’affirmer en quoi et comment le contentieux a été réglé.

Mais revenons sur la tournée « The Ultimate Sin US Tour ‘86 » qui s’annonçait triomphale.

-          L’album cartonnant, la tournée promettait d’être énorme ?

-          Tout à fait : 128 dates uniquement sur le continent nord-américain, un show hollywoodien, une tournée démesurée. Donc autant que la précédente, mais concentrée sur un même endroit et en moins de temps également.

-          Ça fait quasiment un concert tous les trois jours. Faut avoir une sacrée santé pour assurer autant de dates ?

-          A l’époque j’étais très athlétique, je ne me défonçais pas et je ne buvais quasiment pas d’alcool.

Je souris à l’évocation de son glorieux passé physique, il fit celui qui ne remarquait rien. Je repris :

-          Le point d’orgue de la tournée a été le concert de Kansas City enregistré le 1er avril 1986 pour une VHS live, « The Ultimate Ozzy Live’86 », qui n’a été distribuée qu’aux Royaume-Uni et aux USA. Qu’est devenue cette VHS ?

-          Elle a été supprimée du catalogue en même temps que les autres supports qui contenaient le titre « Shot In The Dark ». Encore une autre victime collatérale du problème avec Phil Soussan. Ce concert est le seul témoignage de la tournée « The Ultimate Sin » où j’étais d’ailleurs dans une forme éblouissante... Je crois qu’on en trouve des extraits sur YouTube : la qualité n’est pas très bonne, mais c’est tout ce qu’il y a.

-          Tu as donné ton dernier concert le 23 février 1987 pour un gala de charité.

-          Oui, c’est exact !

-          Est-ce là où tu as reçu ce fameux télégramme ?

Il éclate de rire. Il en profite pour tirer sur son vapot et boire un coup de Badoit à même la bouteille. Mais, il semble subitement irrité par la question.

-          Cette histoire est de la pure connerie. Je n’ai jamais reçu de télégramme de ma vie, je ne sais même pas à quoi ça ressemble. Je me doute bien qui a pu propager cette rumeur que j’ai été viré par télégramme.

Il soupire.

-          Je vais te dire. Un soir, Sharon Osbourne m’invite à dîner dans un super restaurant dans Los Angeles. Tout se passait bien, on parlait de la pluie et du beau temps, rien de spécial. Juste plusieurs fois, elle m’annonce qu’elle avait quelque chose à me dire. Donc, j’attends qu’elle me parle, mais sans me douter du sujet. La conversation restera cool toute la soirée. Puis, elle me raccompagne chez moi, et c’est tout… Une fois chez moi, je reçois un coup de fil de Randy (Castillo) qui m’appelle depuis le Rainbow Bar et me demande « si je vais bien, et si j’ai bien encaissé la nouvelle ! » Je lui demande « quelle nouvelle ? » Et il me répond que Phil lui a dit que j’étais viré ce soir-là.

Jake me rejoue la scène avec les mimiques du type paniqué qui apprend que la fin du monde est arrivée. Je n’interviens pas, je le laisse parler.

-          Je rappelle Sharon dans la foulée et lui demande des explications…

Il imite la voix de crécelle de Sharon, son air pincé de milady californienne.

-          Et c’est là qu’elle me dit que c’était de ça qu’elle voulait me parler. Elle était franchement gênée, mais elle m’a confirmé que j’étais bien viré… Tu vois, il n’y a pas eu de télégramme dans cette histoire…

En faisant mes points de contrôle pour vérifier cette info, je m’apercevrais que c’est encore Jake qui l’a révélée. Je n’ai pas retrouvé la trace de celui ou celle qui aurait propagé la rumeur que Jake avait été viré par télégramme interposé.

-          Ozzy avait attendu la fin de la tournée pour te virer du groupe. Ce n’est pas très fairplay de sa part. Vous étiez fâchés ?

-          Tu sais, on ne se parlait vraiment pas beaucoup. Et puis, lors des répétitions pour notre troisième album ensemble, aucune de mes idées ne lui plaisaient. Personnellement, j’en avais marre de ce style heavy metal, je voulais essayer autre chose, mais lui ne voulait que des trucs comme « Crazy Train », éternellement… Donc, à partir de là, mon avenir au sein du groupe était plus que compromis.

-          Est-ce que tu penses que Phil Soussan est pour quelque chose dans ton éviction ?

-          No comment !... Je n’en sais rien !

Je laisse tomber et j’embraye.

-          Pourtant, tes deux albums avec Ozzy avaient franchement cartonné. Son attitude manquait profondément de gratitude, tu ne trouves pas ?

-          On ne le saura jamais, je n’ai pas revu Ozzy Osbourne depuis février ’87… Mais dans la presse rock de l’époque, Ozzy ne s’est pas privé de justifier mon départ parce que j’étais soi-disant, la personne la plus impossible à supporter : ce genre de conneries. Je sais que le label Epic voulait que je reste, mais Ozzy a eu le dernier mot… Nous autres les musiciens, sommes peu de chose, finalement…

Il soupire.

-          Avais-tu rencontré ton successeur ?

-          Oui, une fois ! On s’est présentés. Tu sais, en plus d’être viré du groupe, j’ai été obligé de quitter l’appartement qu’Ozzy me louait, car Zakk Wylde allait l’occuper. Je me souviens d’un jeune homme frêle à l’allure sympa. Il avait dix-neuf ans, il ressemblait à un Randy Rhoads qui aurait été croisé avec Ted Nugent. Je lui ai souhaité bonne chance. C’est tout ce qu’on s’est dit.

-          Que penses-tu de Zakk Wylde comme guitariste ?

-          Je m’attendais à cette question… Comme mec, je ne le connais pas, il a l’air sympa et il ne m’a jamais craché dessus dans la presse, bien au contraire. Comme guitariste, il fait le job plutôt bien. Je n’aime pas sa façon de jouer « Bark At The Moon », mais personne ne la joue correctement. Cela dit, c’est sa version et elle lui va bien. Il a un style très personnel même s’il utilise trop son pinch harmonic, mais il est reconnaissable immédiatement : c’est un grand guitariste, sans aucun doute.

Jake se détend, je vois bien qu’il a saisi la perche pour tenter d’amadouer les lecteurs potentiels.

-          Tu as écouté les albums d’Ozzy où il joue ?

Il rit de plus belle.

-          Bien sûr ! Je n’ai écouté que les deux premiers, mais franchement, « No More Tears » est un grand album : le travail de Zakk est remarquable d’un bout à l’autre.

-          Je crois qu’on en a fini avec la période « Ozzy Osbourne ». As-tu des choses à rajouter, des regrets, des souhaits ?

Jake à l’air surpris par cette question. Là aussi, je vois qu’il réfléchit à ce qu’il va dire.

-          Ah, enfin ! On va pouvoir parler de choses sérieuses… Sincèrement, j’en ai marre de ressasser toujours les mêmes souvenirs. Je ne l’ai fait que parce que tu es un mec sympa et que je n’ai rien d’autre à foutre, mais sinon, c’est terminé, je ne veux plus, et je pense que tu seras le dernier… J’ai eu les boules d’être viré après avoir tant fait pour le groupe, mais j’ai pu réaliser autre chose également. Même si j’avais fait un album supplémentaire, je ne pense pas que je serais resté bien longtemps avec Ozzy Osbourne. Niveau création, j’étais déjà au bout du truc. D’ailleurs, c’est aussi une tactique d’Ozzy que de te presser comme un citron puis de te jeter quand tu n’as plus de jus. Donc, ni regret, ni rien à foutre...

 

Didier Kalionian - le Blog Imaginaire (c) 2020

Credit photo : Charvel Guitar US (c) 2020

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