Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Didier K. Expérience
7 juin 2022

D'Une Vie, l'Autre - E.30/34

D'une vie, l'autre

Véronique était rentrée du planning familial plus préoccupée que prévu : Maryse avait tenu à la raccompagner jusqu’à la maison, Rachid leur proposa de faire du café, mais ni l’une ni l’autre, n’en avaient envie.

-          Alors, tout va bien ?

-          Je ne sais pas. Le médecin m’a auscultée, puis on a fait toute une série d’examens, une radio, des prises de sang, ça n’en finissait pas.

-          Et qu’est-ce qu’il a dit ?

-          Il a juste dit qu’il enverrait les résultats à mon médecin traitant, qu’il était le seul habilité à m’expliquer, etc… sous huit jours. Je ne comprends pas pourquoi ils font autant de mystères.

Rachid ne réfléchissait pas à cette heure-là. Il espérait que Maryse ne puisse pas rester pour dîner, il ne supportait pas les gens qui votaient pour le FN.

-          Je vous dis au revoir, les amoureux ! Faut que je rentre.

-          Vraiment, Maryse ! Tu ne veux pas rester dîner avec nous ? Véro a fait une daube.

-          C’est gentil, Rachid. Une prochaine fois.

Rachid fit un clin d’œil de connivence à Véronique qui lui répondit par un sourire en coin. Dès que Maryse fut partie, elle se lâcha.

-          T’es un sacré hypocrite, toi ?

-          Pas plus qu’elle !

-          En plus, tu lui proposes une « daube », pourquoi pas une quiche au thon, pendant que tu y es !

Il éclata de rire : de ce rire tonitruant qui avait tant séduit Véronique quelques années plus tôt et qui lui plaisait toujours autant… En revanche, elle trouva qu’il ne s’inquiétait pas outre mesure de ce qui s’était passé au planning familial.

Quelques jours plus tard, le couple reçut une lettre du médecin traitant de Véronique, les invitant à prendre rendez-vous pour une explication des résultats. Que Rachid soit convié à entendre les conclusions du médecin, les troubla.

La consultation eut lieu au cabinet du docteur Zylberstein, à La Plaine St Denis, vers 10h30. Celui-ci les accueillit dans son bureau avec le sourire, mais sans un mot. Le docteur était la copie de Woody Allen en un peu plus grand, il semblait toujours perdu dans ses pensées. Il portait un petit bouc roux en bas du menton, qu’il triturait en permanence lorsqu’il réfléchissait. Ce matin-là, il avait du mal à formuler ce qu’il voulait dire. Véronique avait l’habitude, mais Rachid, qui le voyait pour la première fois, eut du mal à cacher sa surprise.

-          Je vous ai demandé de venir tous les deux parce que j’ai une chose à vous montrer. J’ai besoin du papa et de la maman.

Il se leva de son bureau, alluma le tableau pour lire les radios, et en installa une. C’était une des radiographies que Véronique avait faites quelques jours plutôt au planning familial.

-          Ce que vous voyez-là, c’est le fœtus, votre enfant.

Le docteur était toujours aussi mystérieux, tout en continuant ses descriptions sur un ton pas très joyeux. Le couple commençait à s’inquiéter.

-          Là, ce que voyez, c’est le dos de votre enfant, sa colonne vertébrale.

Puis, le docteur fit une moue dubitative, arrêta son discours et vint se rassoir.

-          J’ai voulu vous rencontrer tous les deux parce que j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer… Voilà, ce n’était pas évident de tomber enceinte à quarante-cinq ans, comme je vous l’avais dit, il y a des risques.

Rachid et Véronique, ne comprenant pas encore ce qu’il allait dire, s’étaient pris la main, et ils la serraient très fort.

-          Votre enfant a une malformation. Au mieux, il sera dans un fauteuil roulant toute sa vie, au pire, il sera lourdement handicapé. Je suis désolé. C’est mon rôle de vous dire la vérité. Bien sûr, à ce stade, on ne peut pas savoir exactement, mais la malformation est bien là.

Rachid était tétanisé par la nouvelle, alors que Véronique sentait que les larmes lui venaient.

-          Que peut-on faire docteur ?

-          Madame, soit vous allez au terme de votre grossesse, soit il faudra envisager une IVG… En revanche, si vous envisagez cette IVG, il faudra vous décider rapidement, car vous allez atteindre la limite légale.

-          Je ne sais pas quoi faire du tout.

-          Je comprends et je ne vous demande pas de prendre votre décision sur le champ. Réfléchissez bien, tout aura une conséquence.

-          Vous êtes sûr, docteur ? On ne peut pas faire vérifier une deuxième fois par quelqu’un d’autre ?

-          Monsieur, si votre compagne a subi toute une série de tests et de radiographies, c’était justement pour être certain qu’on ne se trompait pas. Je suis désolé… Le personnel du planning familial reste à votre disposition et pourra vous aider à prendre votre décision, quelle qu’elle soit.

Ils remercièrent le docteur, puis se levèrent sans un mot. La nouvelle était suffisamment grave, les paroles restaient bloquées au fond de leur gorge, plus rien ne se formulait dans leur tête.

Le voyage de retour jusqu’à la cité des 5000 se fit donc dans un silence de mort. Rachid se taisait toujours, plus par dépit que par volonté ; quant à Véro, elle était écrasée par la nouvelle. Elle était déçue, mais elle ne savait pas comment l’exprimer, de peur de décevoir encore plus Rachid.

Ils rentrèrent à la maison main dans la main, ils savaient qu’ils vivaient une épreuve qui n’allait pas les laisser indemnes. Tous les deux avaient peur des conséquences l’un pour l’autre.

Machinalement Rachid alluma la télé, rien ne pouvait le captiver mais il fallait qu’il brise ce silence. Véronique vint s’assoir à côté de lui, en larmes, murmurant.

-          Je suis désolé bébé. Ce n’est pas ce que tu voulais, je le sais. Pardonne-moi !

-          Je n’ai rien à te pardonner. C’est comme ça, c’est tout. Ce n’est pas de ta faute. Dieu l’a voulu !

C’était bien la première fois que Véro l’entendait parler comme ça !

-          Tu m’aimeras quand même ? dit-elle en pleurant.

-          Bien sûr ! Ne dis pas de bêtises.

-          Si tu voulais me quitter, je comprendrais très bien, tu sais !

-          Mais je ne veux pas te quitter. Je suis déçu mais, comme a dit le docteur, ça pouvait arriver. C’est tout.

Ils s’embrassèrent longuement et chaleureusement, ce qui rassura Véro sur les intentions de Rachid. Cependant, ni l’un ni l’autre n’évoquèrent une quelconque décision à prendre : c’était sûrement encore trop tôt…

Véro préféra se retirer dans la chambre et rester seule un moment. Rachid appela un de ses amis à le rejoindre à la Rose de Tunis, pour boire un verre. Dès qu’il fut sorti, Véro en profita pour appeler Maryse, il fallait qu’elle parle à la seule personne de confiance qu’elle connaissait, et qui était toujours de bon conseil.

 

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2022

(Si cette histoire vous a plu, n’oubliez pas de liker. Merci. Retrouvez la communauté des lecteurs sur Facebook, DKalionian BlogImaginaire)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
H
Ce qui l’amusait en outre Rachid, c’est que Véro et Aysé s’entendaient vraiment bien. <br /> <br /> IL Y A UN L' EN TROP
Répondre
Didier K. Expérience
Publicité
Archives
Newsletter
11 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 21 451
Publicité