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Didier K. Expérience
30 mai 2022

D'Une Vie, l'Autre - E.22/34

D'une vie, l'autre

Michel découvrait les joies de la remise en forme avec circonspection : il perdait ses cheveux, il avait pris un peu de bide, il se tassait sur lui-même. Mais ce qui était vraiment désagréable, il trainait une lassitude qui se voyait sur son visage, qu’on devinait dès qu’on l’apercevait… C’était jouable la journée, parce qu’il était enfermé dans son entrepôt avec des gens aussi mal en point que lui, mais la veille des week-ends, il avait du mal à cacher les cernes sous les yeux… Il avait pris un abonnement dans une salle de sport de son quartier, et là, c’était dur de rivaliser avec les jeunes qui couraient dans tous les sens, qui étaient au top de leur forme en permanence : il se sentit vieux. Quand il se regardait dans le miroir de la salle de bain, il se dégoutait, son corps le répugnait.

Il s’était inscrit à un cours de zumba qui le mettait KO à chaque fois. Il aimait beaucoup danser, se déhancher, mais il ne supportait pas le rythme soutenu des cours. Il s’épuisait en un rien de temps, il ne comprenait pas comment faisaient tous ces gens qui suivaient le prof du début à la fin. Le seul point positif : il y avait beaucoup de femmes.

Le déclic viendrait par hasard…

Michel s’enivrait de son travail pour oublier la médiocrité de sa vie. Un jour, son adjointe, Valérie, qui l’aidait de plus en plus dans ses tâches professionnelles quotidiennes, lui proposa de sortir un soir, boire un verre, histoire de casser la monotonie.

Valérie était une femme de dix ans de moins que Michel, jeune divorcée avec un enfant à charge, blonde, dynamique, souriante et compétente. Michel avait beaucoup d’estime pour elle ; il appréciait sa bonne humeur permanente et son travail parfait. Elle l’avait beaucoup écouté lors de son divorce. Il ne s’était pas rendu compte qu’il en parlait tout le temps : il saoulait tout le monde avec ses histoires, mais Valérie continuait de l’écouter avec empathie.

Il accueillit l’offre de sortie avec joie ; il ne s’y attendait pas. Pourquoi pas ? pensa-t-il.

Ils se retrouvèrent un soir dans un bar de la Plaine St Denis, proche de l’appartement de Valérie. Elle n’habitait pas très loin du Stade de France, dans les nouveaux quartiers… Michel, qui était arrivé un peu en avance, dégustait un demi en l’attendant, lorsqu’il la vit arriver. Il faillit ne pas la reconnaitre tant elle avait changé. Au boulot, elle portait les cheveux en chignon serré, pas de maquillage, son uniforme gris informe et des chaussures de sécurité, qui transformaient ses pieds en fer à repasser tant elles étaient lourdes et épaisses. Là, elle avait les cheveux lâchés et longs, une robe noire saillante et des talons hauts : bref, elle avait l’air d’une jeune femme séduisante, à mille lieux de celle qu’il connaissait le jour. Du coup, il s’en voulut de n’avoir fait aucun effort vestimentaire. Lui, portait une tenue décontractée, jeans baskets et un sweat du PSG, qui faisait un peu beauf sur les bords. Il eut l’impression qu’ils n’avaient pas rendez-vous au même endroit ou qu’elle n’était pas venue pour lui.

-          Waouh ! Tu es très élégante ce soir… je ne savais pas qu’il fallait être habillé pour boire un verre ici ?

-          Tu préfères quand je ressemble à un bonhomme, ou quand j’ai l’air d’une jolie fille ?

-          D’une jolie fille… Y a pas photo ! Tu es magnifique ce soir.

-          Ah ! Enfin un compliment…Merci beaucoup.

-          T’es complètement différente. T’es vraiment super comme ça !... Que veux-tu boire ?

-          Merci… Arrête maintenant, où je vais rougir, dit-elle en riant…J’ai envie d’une vodka-tonic.

Michel se leva, héla un serveur, commanda deux vodka-tonic.

-          Si j’avais su, je me serais habillé mieux. On reste ici ou on va ailleurs ? C’est quoi le programme ?

-          C’est sympa ici, on peut diner aussi, ils font pizzeria. Je mangerais bien un morceau, pas toi ?

-          Ah oui ! Bien sûr !

Depuis cette soirée, ils sortaient souvent ensemble. En fait, ils avaient trouvé le moyen de combler leur solitude. Parfois, ils faisaient des courses, parfois, ils se faisaient une toile, mais ils le faisaient ensemble… Leur relation s’était encore plus détendue au boulot ; leur complicité devenait évidente : un peu trop même. Soudain, leurs collègues passèrent de la compassion à la jalousie.

Michel retrouvait goût à la vie depuis qu’il côtoyait Valérie en dehors des heures de boulot. Il faisait attention à ses tenues vestimentaires, il allait régulièrement chez le coiffeur, il mangeait mieux et bien, ses insomnies diminuaient. Il arrivait le matin avec le sourire, content de voir son équipe… Il remonta la pente jusqu’à ce qu’une rumeur lui parvienne.

C’est Valérie qui, la première, eut vent de ce que ses collègues racontaient sur ses sorties avec leur chef. Au début, elle ne fit pas attention, ce genre de choses étant inévitables dans le microcosme de l’entreprise, surtout avec une population ouvrière. Elle garda pour elle ce qu’elle entendait dans son dos jusqu’à ce que Michel lui en parle.

-          Dis-moi, Valérie ! Tu es au courant de ce qu’on dit de nous dans l’entrepôt ?

-          Sur nous ? C’est-à-dire ?

-          Ben, qu’on coucherait ensemble ! Que tu serais ma maitresse, quoi !

-          Oui, je le sais ! Mais je pensais que tu le savais aussi… c’est pour ça que je ne t’en ai pas parlé.

Michel prit sur lui, il ne voulait pas froisser sa nouvelle amie.

-          Je voulais te dire que je n’ai jamais rien dit de la sorte à qui que ce soit. Je ne me suis jamais vanté de ça… j’espère que tu me crois.

-          Michel ! Je sais très bien qu’on n’a pas couché ensemble… je me fous de ce qu’on peut dire sur moi ou sur nous… tu sais, celui qui parle dans mon dos, parle d’abord à mon cul, dit-elle en riant.

-          Bon, ok !... Si tu le prends comme ça… mais j’ai quand même un peu peur que ça dégénère. En tout cas, si je chope les connards qui racontent ces conneries, je fais un malheur.

-          Laisse tomber ! Ça n’en vaut pas la peine. Je t’assure que c’est du temps perdu pour rien.

Il resta dubitatif. Que voulait dire la réponse de Valérie ? Elle avait l’air d’en savoir plus que ce qu’elle voulait dire. En revanche, elle ne paraissait pas inquiète des conséquences : elle avait peut-être raison.

 

 Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2022

(Si cette histoire vous a plu, n’oubliez pas de liker. Merci)

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