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Didier K. Expérience
8 février 2019

Némésis - E.8/35

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J’ai dû consulter mon portable environ cent vingt-sept mille fois aujourd’hui. Toujours pas de réponse de mon Cheval Fou. Maintenant, je sais qu’il ne me reste qu’une seule carte à utiliser avant d’aller me pointer chez lui : appeler Nocturna.

En rentrant, je suis tellement perdue dans mes pensées que j’en oublie presque de descendre de la rame en station : j’entends la sonnerie et j’ai juste le temps de passer entre les portes qui se ferment. L’une d’entre elles me touche l’épaule droite : je me suis fait mal. Ce n’est pas grave, ça arrive parfois : je paie mon inattention. C’est comme si j’avais reçu une décharge électrique, je suis secouée et cette fois-ci, bien réveillée.

Je sors de ma léthargie et je me dirige d’un pas ferme vers la sortie de la station. C’est décidé, tant pis pour moi, mais j’appellerai cette vipère de Nocturna dès que je serais chez moi, au calme.

Je tourne en rond dans mon studio, ce qui fait des cercles très courts, et je fume clope sur clope. J’ai le portable en main, j’hésite encore : on ne sait jamais, il pourrait me répondre ce con !

Je termine ma énième clope et je sélectionne le numéro dans le répertoire : Nocturna décroche à la seconde sonnerie.

-          Ouais ma caille ! Qu’est-ce qui t’amène ? C’est rare qu’on se parle à cette heure-là ?

-          Salut Nocturna ! Il est encore tôt, je sais… Ben, en fait, j’avais besoin de te parler d’un truc.

-          Oh ! T’en as gros sur la patate, toi ? Je crois deviner, non ? Il t’a larguée ?

-          On peut dire ça comme ça. Oui, je pense que c’est ça !

-          Je te l’avais dit, non ? en plus, franchement, il n’a pas été cool samedi soir dernier. Il a dragué ma copine Mélanie, mais elle, les mecs, elle s’en fout, et il a chauffé une fille dans les chiottes avec ce con de Chauve-Pourri.

Ça y est ! Nocturna m’assène le premier coup : elle ne me rate pas, là !

-          Oh ! L’enfoiré, pendant que je dansais toute seule comme une conne, sur la piste !

-          Tu ne le savais pas ? Excuse ma biche, je croyais que c’était clair entre vous, étant donné qu’il ne s’est pas caché du tout… Tout le monde l’a vu.

Voilà, le deuxième coup de buche sur la nuque !

-          Il m’a largué par texto, ce salaud. Je ne comprends même pas pourquoi !

-          Il n’y a pas de pourquoi ! C’est comme ça, c’est tout. Je sais, ça fait mal, mais vaut mieux l’oublier. Pense à la prochaine soirée au Blak Klub dans un mois, il y a une New Wave Party avec les DJ qu’on adore toutes.

-          Je ne remettrais plus les pieds dans cette boite.

-          Mais si ! Evacue l’événement en tirant la chasse ! Il est beau et c’est sûrement un bon coup, mais c’est aussi un tas de merde. Avec moi aussi, il a essayé, mais c’est moi qui l’ai jeté.

-          C’est vraiment un enfoiré ! Pourtant, il est sympa et intelligent, je ne comprends pas son attitude.

-          Qu’est-ce que les filles peuvent être connes avec ce genre de mecs ! Ce n’est pas croyable de toujours tomber dans de tels pièges.

Encore un coup derrière la tête. Je crois que j’ai mon compte, là : Nocturna me saoule maintenant. Il est temps de raccrocher.

-          Merci Nocturna ! Ça m’a fait plaisir de parler avec toi. Je savais que je pouvais te faire confiance… Pas un mot au reste de la bande, bien sûr !

-          Croix de bois, croix de fer ! Si je mens, je vais en enfer ! N’hésite pas à me sonner si tu as besoin. Tire la chasse, vire-le dans les égouts, ce con !

Je souhaite une bonne soirée à ma bonne copine, qui j’en suis sûre, ne pourra pas garder sa langue, très longtemps. Et puis, après tout, je m’en fous, on ira tous en enfer, de toutes façons.

Nocturna a été parfaite, elle m’a dit ce que je n’espérais pas entendre : ça m’apprendra à croire aux contes de fée. Cheval Fou s’est mal comporté avec moi, il me le paiera d’une façon ou d’une autre : je veux ma vengeance… Ce n’est pas à cinquante ans que je vais me laisser marcher dessus, et par un homme, en plus. J’ai cru que celui-là pouvait être différent, c’est de ma faute, je le reconnais, mais ce n’est pas une raison pour accepter que ce genre de situation reste impunie.

Je n’ai pas eu le temps de me déshabiller et je suis encore chaussée : j’avais la flemme, mais là, ça va me servir. Je mets les écouteurs sur les oreilles, je prends mon petit sac à main, et hop me voilà dehors, direction Vincennes.

Je ne sais pas pourquoi je suis ressortie, mais il faut que je fasse quelque chose pour me calmer. Je sais que Nocturna a raison : je dois laisser pisser, mais quand je l’aurai décidé.

J’arrive aux abords de son immeuble, il fait déjà nuit, mais je vois clairement que c’est allumé chez lui : donc, il est là. Je planque sans me cacher sérieusement : de toute façon, je ne sais pas vraiment ce que je fais… J’approche de la porte d’entrée, je fais le code d’accès et je pénètre. Je me dirige vers les boites aux lettres, je repère le numéro d’appartement qui correspond : le nom de Romain y apparait bien. J’hésite à prendre l’ascenseur et à monter chez lui. Non ! Je renonce. Je n’ai pas ce courage pour le moment.

Je ressors de l’immeuble et je me plante sur le trottoir d’en face. Je l’observe dans le noir. Je fais la chouette, comme dirait Nocturna.

Je vois sa silhouette se dessiner dans les rideaux du salon. Il va et vient d’une pièce à l’autre : je ne sais pas ce qu’il trafique et ça m’intrigue. Je l’imagine passant de la cuisine au salon, clope au bec, une bière dans la main, écoutant son groupe préféré du moment : IAMX… Il écarte le rideau, il regarde par la fenêtre, il faut que je bouge, je ne veux pas qu’il me voie… Il est au téléphone, et vu que le mien ne sonne pas, ce n’est pas moi qu’il appelle. C’est bon, il referme le rideau, il ne m’a pas vue.

Je commence à en avoir assez d’avoir la nuque relevée, les yeux braqués sur sa fenêtre. Dès que je baisse la tête, j’ai les cervicales endolories : décidément, je ferais une piètre espionne. Je suis restée une bonne heure sans bouger, j’ai froid, je grelotte dans ma petite veste.

Je préfère rentrer chez moi avant qu’il n’y ait plus de transports. Il faut que je réfléchisse à ce que je veux faire.

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2018

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