Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Didier K. Expérience
7 février 2019

Némésis - E.7/35

IMG_20190619_093509_320

Je serais bien restée avec Romain, mais je préférais être chez moi pour l’attendre. J’ai envie d’un bon bain et d’un bol de noodles porc et curry chez le Chinois du coin.

Sur les coups de 20h, j’appelle mon Cheval Fou, mais ça sonne. Je laisse un message. Vers 22h, il ne m’a toujours pas rappelée, alors je prends les devants : toujours personne au bout du fil, je laisse tomber. Il doit encore dormir et moi, il faut que j’aille me coucher car demain, je bosse.

J’ai passé un bon weekend et ça se voit, je suis de bonne humeur : j’ai même envie de travailler. Ce matin-là, je prends mon premier client dès mon arrivée dans l’open-space, d’habitude, je laisse sonner une bonne demi-heure avant de décrocher. Là, je prends tout ce qui vient, et entre deux clients, j’ai le temps d’envoyer un texto à Romain.

Je ne lève pas la tête de mon écran sauf pour constater qu’il est l’heure de déjeuner. Je pose mon casque, je sors du bureau, et mon premier réflexe est de sortir mon portable pour voir s’il m’a répondu : toujours rien.

L’après-midi se passe moins bien : je ne pense qu’à Romain, je me languis d’avoir de ses nouvelles et ça me gêne dans mon travail. En revanche, je me rends compte que j’ai appelé plusieurs fois et que j’ai envoyé plusieurs messages, maintenant, il faut que je me calme et que j’attendes qu’il me réponde, sinon il va finir par croire que je suis amoureuse.

C’est vrai que j’ai des sentiments pour lui : ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. J’ai l’impression qu’il en a pour moi aussi, même si parfois, il est un peu rustre. C’est vrai qu’il est plus jeune mais il est bien vigoureux, il n’a pas usurpé son surnom de Cheval Fou, qu’il pourrait changer aisément en Cheval Fougueux.

Je sens qu’on est fortement compatible, lui et moi. Deux weekends, c’est un peu court pour juger, mais là, je ne crois pas me tromper. J’espère tellement que ce sentiment va se matérialiser que je pourrais me mettre à vraiment travailler, pour rattraper mon retard financier sur lui : si ça pouvait faire quelque chose pour que ça colle encore plus avec lui, bien sûr.

L’argent est vraiment le point de discorde que je vois entre nous. Il a l’air d’en avoir et je n’en ai pas beaucoup.

Il est près de 21h quand je reçois enfin un texto, et ô miracle, c’est de Romain. Il en aura mis du temps avant de me répondre : quasiment vingt-quatre heures. Je suis tellement contente que je m’allume une clope, je me prends une bière, et je me cale sur mon lit pour savourer le message.

-          « Chère Eileen, j’ai mis du temps à te répondre parce que j’étais occupé. Voilà, je vais faire court pour que ça soit plus simple : je ne souhaite pas continuer avec toi. T’es sympa, t’es cool, j’ai passé un bon moment mais tu ne me corresponds pas. Je te dis à bientôt, et si on se voit dans une soirée, n’hésite pas, on se boira une bière ensemble. Ciao, Romain ».

Je lis et je relis le texte plusieurs fois. Ma mâchoire inférieure manque de se décrocher. Je repense instinctivement à ce que m’avait dit Nocturna. J’ai les boules comme jamais j’ai eu. Et pourtant, ça m’est arrivé plus d’une fois de me faire plaquer, mais là, je n’ai rien vu venir : j’y ai cru.

L’amour rend aveugle dit-on, moi je dirais plutôt qu’il rend con. Comment ai-je pu me faire avoir aussi vite ?

J’ai envie de pleurer mais je me retiens. Je vais lui demander des explications : ça sera bien mieux…J’appelle mais je tombe directement sur son répondeur. Je réessaierai plus tard. En attendant, il faut que je fasse quelque chose pour me calmer, je réfléchis à haute voix et je tourne en rond dans mon studio. Hors de question de me confier à Nocturna : elle serait trop contente d’avoir eu raison. Non ! Il faudrait que je puisse parler à cette Magalie ou Lady Donotdisturb, mais voilà, je n’ai pas son numéro et la seule personne qui pourrait me renseigner, c’est Nocturna. Si je le lui demande, elle va se douter de quelque chose et elle me torturera jusqu’à ce que je crache le morceau, la salope !

Je rappelle Romain, mais je tombe une fois de plus sur son répondeur. Je prends sur moi, je lui laisse un message, je bafouille un peu mais j’essaie de paraitre sûre de moi. J’utilise une vieille technique du boulot qui consiste à parler avec le sourire, car le sourire s’entend au téléphone à défaut de se voir.

Du coup, s’il ne veut pas me parler, il m’entendra quand même, et aussi par texto. Deux messages valent mieux qu’un !

-          « Cher Cheval Fou, je ne comprends pas ta décision et j’aurais aimé que tu me le dises de vive voix. C’est vrai qu’on ne s’était rien promis mais j’avais franchement l’impression qu’il s’était passé un truc entre nous. Je suis gravement déçue, mais tout peut se rattraper. Pour le moment, j’ai le Cheval Blues ».

Je relis mon message, je le trouve un peu gnangnan mais je l’envoie quand même… Je consulte mon portable jusque très tard dans la soirée, mais vers 0h30, n’ayant toujours pas reçu de réponse, je vais me coucher.

Le lendemain matin, l’alarme du portable me prévient qu’il est l’heure d’aller retrouver le monde perdu. En l’éteignant, je consulte la messagerie, et toujours rien. Je me jette dans la douche, je ne prends pas de petit déjeuner, je suis en retard, je crois.

Dans le métro, je m’aperçois que je vivais ces derniers temps sur un petit nuage rose en chamallow qui vient de poper. Tout redevient gris, triste et malodorant. La rame pue le caoutchouc brulé et les passagers qui se frottent lascivement involontairement à cause du roulis, puent la sueur et le déo : dès le lundi matin, ça promet pour le reste de la semaine.

Au bureau, même topo : je déteste cet open-space, cette promiscuité est écœurante. Je suis à peine installée, que le téléphone sonne : je le laisse sonner, je vais boire un café avec mes autres collègues, ça les changera de m’avoir avec eux. J’ai besoin de compagnie et d’une excuse pour ne pas être à mon poste pour le moment… Je consulte frénétiquement mon portable, mais il n’y a toujours pas de réponse de Romain.

Tant pis, je lui envoie un petit mot : ça me détendra un peu les nerfs. J’ai super mal dormi, ça se voit, je ne sais pas quoi faire de mon gobelet, je n’arrive pas à écrire d’une main mon message. J’arrive à m’isoler quelque peu dans la salle du réfectoire.

-          « Dear Romain, j’aimerais bien qu’on puisse discuter tranquillement autour d’un café. Ça te dirait ? Kisses. Sweet Eileen ».

Ouais, je sais ! ça fait un peu plan-plan d’utiliser des mots d’anglais, mais je suis à cours d’idées.

J’envoie le message. Hop ! C’est parti !

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2018

(Si cette histoire vous a plu, n’oubliez pas de liker. Merci. Retrouvez la communauté des lecteurs sur Facebook, DKalionian BlogImaginaire)

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Didier K. Expérience
Publicité
Archives
Newsletter
11 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 21 448
Publicité