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Didier K. Expérience
22 mai 2022

D'Une Vie, L'Autre - E.14/34

D'une vie, l'autre

Véronique tirait de l’argent liquide avec la carte bleue de l’entreprise trois fois par mois, qu’elle couvrait par un jeu d’écritures comptables. Sauf que son patron recevait les relevés de comptes qu’il épluchait consciencieusement. Au bout de plusieurs mois, il repéra ces sorties d’argents.

-          Allo, Fanny ? Oui, c’est moi, je suis dans mon bureau. Vous pouvez venir me voir s’il vous plait. Je voudrais m’entretenir d’une chose avec vous séance tenante.

Fanny, la DRH, qui était accessoirement la chef de service de Maryse et depuis l’arrêt maladie de Léopold, également celle de Véronique… Fanny, la pète-sec, vouait une haine sans limite à ses deux subordonnées et un culte sans scrupule envers JP… Elle se rua dans son bureau. Il l’accueillit avec la fraternité due à son rang dans l’entreprise, et surtout, comme elle l’espérait : ils se firent la bise comme des amis de longue date et non comme des collègues.

-          Fanny, j’ai quelque chose à vous demander. J’ai besoin de vos compétences professionnelles pour un problème personnel.

En entendant ces mots, Fanny jubilait intérieurement. Que pouvait-elle espérer de mieux que d’entrer dans la vie privée de son patron ?

-          Bien sûr ! dit-elle le sourire aux lèvres. Que puis-je faire pour vous ?

-          C’est très simple. Je vous explique : Comme vous le savez, j’invite souvent des clients aux restaurants ou dans des soirées, je paie ces frais avec une carte bleue de l’entreprise. Or, je les paie exclusivement en carte bleue, et je viens de m’apercevoir sur mes relevés de comptes qu’il y avait des retraits en liquide. Donc, sans accuser qui que ce soit, je crois que quelqu’un use de ma carte…et donc, me vole.

Fanny sursauta de crainte :

-          Vous ne pensez pas que c’est moi, tout de même ?

-          Non, bien sûr. Je voudrais savoir qui a accès aux cartes bleues de l’entreprise ? Je veux une enquête discrète… Ces frais ne sont pas tous déclarés, j’en ai un peu oublié certains, et je ne voudrais pas que ça se sache. En revanche, je veux savoir qui abuse de mes largesses.

-          J’ai accès à une carte, mais tous les frais sont vérifiables…

-          Fanny, je suis certain de votre honnêteté… je ne vous l’aurais pas dit si j’avais eu un doute sur vous…

Fanny se dandina de joie sur ses talons, comme une petite chèvre impatiente de servir son Monsieur Seguin :

-          Nous ne sommes pas si nombreux dans cette boite…Je veux une liste de noms, aujourd’hui. Vous regardez ça et me tenez au courant ?

-          Je m’en occupe tout de suite.

-          Merci ! Je savais que je pouvais compter sur vous, dit-il le sourire en coin, ravi d’avoir fait son effet.

Effectivement, Fanny fut très rapide à mener son enquête. Ses conclusions la remplirent de joie. Ils n’étaient vraiment pas nombreux à posséder une CB de l’entreprise. Elle ne tenait plus en place, elle piaffait d’impatience de délivrer les résultats de l’enquête…JP était en rendez-vous extérieur, cependant, il consentit à partager un café en fin de repas avec sa DRH.

Véronique vaquait à ses occupations sans se douter qu’un second basculement irréversible dans sa vie était en cours…

… Petite interruption volontaire du récit : vous qui suivez le cours de l’histoire d’un point de vue extérieur, il y a une certaine jouissance à observer la scène, tel des Dieux sur l’Olympe. Le destin de Véronique semble scellé par Zeus qui a ordonné à l’une des trois Parques de couper le fil : pour faire court, elle va morfler sévèrement… Mais, la volonté de Héra ou de la Vierge Marie, influe parfois sur le cours des choses, sans qu’on en comprenne les raisons, mais comme on dit, et à ce stade du récit, les voies du Seigneur restent impénétrables…

Zeus étant le maître des Cieux, il n’était pas question de tergiverser. Le destin de Véronique s’accomplirait d’une façon ou d’une autre. Il n’y aurait pas de mise à mort non plus, même si ça y ressemblait par certains points. Ce n'était plus la même époque : l’antiquité était bien révolue. Quel dommage !

L’éclair était lancé, il frapperait au moment voulu…

Fanny préparait à la hâte, la lettre de licenciement pour faute lourde, ainsi que la convocation à un entretien. Enfin, elle allait se débarrasser d’une de ses pestes qui ruinaient son pouvoir dans l’entreprise… Elle emporta ses documents afin de les faire signer au plus vite : JP, son patron, n’était pas un homme à s’embarrasser, savait-elle.

Fanny se présenta dans le restaurant où JP recevait des clients potentiels. Il lui fit signe de s’approcher de la table sans l’inviter à s’assoir pour autant. Ce qui la troubla :

-          Alors ? Vous avez la liste ?

-          Euh oui ! La voici…

-          Il n’y a que quatre noms : Léopold, Martial, le chef d’atelier, Véronique et vous…

-          On peut exclure Léopold, il est en arrêt maladie et j’ai sa carte.

-          On peut vous exclure aussi, je présume…

-          Humm ! Oui…

-          Donc, il reste Martial, le chef d’atelier, et Véronique. Intéressant !

-          J’ai contacté la banque et j’ai tracé les dépenses des deux cartes…

JP se redressa sur sa chaise en jetant un rapide coup d’œil à ses clients qui suivaient la scène avec intérêt, sans intervenir, mais sans rien comprendre non plus. Il fallait qu’il reprenne la direction du repas avant qu’une réaction intempestive vienne gêner sa stratégie :

-          Merci Fanny, il faut que je réfléchisse, la coupa-t-il. Merci d’avoir fait aussi vite. Vous devez avoir du boulot, je ne vous retiens pas d’avantage.

Fanny se sentit congédiée : c’était un comble. Une sourde colère semblait monter, mais elle se résigna et s’empourpra :

-          J’avais préparé des documents…

-          Merci de les déposer sur mon bureau, je verrai ça plus tard. En attendant que je statue : motus sur cette affaire, pas un mot, surtout pas de fuite. Je compte sur vous, comme d’habitude. Merci ma petite Fanny.

Elle ne savait plus où se mettre. Une seule solution pour sauver la face : retourner travailler. JP s’était comporté comme un mufle, comme d’habitude pourrait-on dire… Elle avait été traitée comme une vulgaire secrétaire intérimaire de banlieue.

Elle connaissait les résultats de son enquête, elle savait que le chef d’atelier n’avait rien à se reprocher, elle savait qui piquait dans la caisse allégrement. Elle se doutait que son patron le savait également, qu’il avait demandé une investigation pour avoir des preuves irréfutables, mais malgré ça, Véronique semblait conserver un capital sympathie… L’issue serait fatale de toute façon, il ne pouvait pas en être autrement.

 

Didier Kalionian - le Blog Imaginaire (c) 2022

(Si cette histoire vous a plu, n’oubliez pas de liker. Merci. Retrouvez la communauté des lecteurs sur Facebook, DKalionian BlogImaginaire)

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Commentaires
H
Petite correction : LA coupa-t-il... il s'adresse à Fanny. Et non LE coupa-t-il.
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Didier K. Expérience
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