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Didier K. Expérience
19 mai 2022

D'Une Vie, L'Autre - E.11/34

D'une vie, l'autre

Véronique ne supportait plus les critiques, même les compliments lui semblaient suspects. Elle ne croisait ses collègues qu’à la machine à café ou lors de la pause déjeuner, mais à chaque fois, elle faisait tout pour les éviter, soit en les laissant passer, soit en retournant dans son bureau : ce qui accentuait les commérages… Seule Maryse avait droit à un traitement diffèrent. D’ailleurs, ne faisaient-elles pas partie du fameux Club des Teignes toutes les deux ?

***

Mais à la maison,le navire sombrait :

-          J’en ai plus qu’assez de tes airs de princesse. Tu vas arrêter de te foutre de ma gueule, oui ou non ?

-          …

-          Je ne comprends plus rien. Qu’est-ce que tu veux, à la fin ? Tu crois que j’ai que ça à foutre que de passer mes nerfs sur toi quand je rentre du boulot ? Hein ?... Je suis assez stressé comme ça pour en rajouter une couche une fois chez moi.

-          Je n’ai rien à te dire…

-          … j’en ai marre de ce bordel ! hurla-t-il.

Michel nageait en plein marasme. Ses colères décuplaient lorsqu’il exigeait des explications pour comprendre son épouse, qui prenait un malin plaisir à garder le silence pour toute réponse. Dans ces moments-là, elle se refugiait mentalement chez Rachid, dans ses bras plus exactement : il la protégeait. Plus Michel s’emportait et plus Véronique s’enfermait dans son rêve. Mais dès que l’orage était passé, elle continuait son chemin comme si de rien n’était !

Rachid ne faisait quasiment pas d’effort pour séduire la petite Véro, qui fondait comme la chantilly au soleil dès qu’il ouvrait la bouche : sa voix suave la couvrait de compliments bons marchés, sans imaginations. Ses exploits sexuels la ravissaient, sa nature gourmande la comblait, il pouvait bien dire ce qu’il voulait, tout lui allait, du moment que son ordinaire disparaissait.

Il n’y avait pas que l’ordinaire qui commençait à disparaitre. Tout son ancien monde s’effaçait au fur et à mesure que la barre d’horizon reculait. Cette barre d’horizon qu’elle apercevait enfin de loin, lui donnait espoir, car pendant des années, elle ne l’avait vu que placée devant son nez, comme un mur infranchissable. Malheureusement, les rêves avaient des limites que la réalité se chargeait de lui rappeler. Sa mère était là pour ça !

Le téléphone était une invention pratique, mais quelque peu encombrante, parfois :

-          Maman, je n’ai pas beaucoup de temps : que veux-tu ?

-          Ma chérie, je viens aux nouvelles, Michel n’arrête pas de m’appeler pour que je te parle. Alors, qu’est-ce qui se passe encore ?

-          Il ne se passe rien. Ça ne te regarde pas.

-          Si tu me dis ça, c’est que ça me regarde, justement. Qu’as-tu fait ? C’est encore cette Maryse qui te monte le bourrichon ?

-          Maman ! Tu sais, les couples modernes ont des problèmes, parfois. Et Michel m’énerve en ce moment. Je ne suis plus sa boniche, c’est tout.

-          Un couple moderne ? Ça veut dire quoi, ça ? Toi et Michel vous êtes un couple comme papa et moi …

Sa mère laissa un blanc dans la conversation entrecoupé par les soupirs de Véronique qui attendait la suite, puis elle reprit sur un ton grave.

-          Bon, c’est normal de se disputer de temps en temps, mais Michel me dit que tu ne veux plus lui adresser la parole et que tu dilapides l’argent du ménage en bêtises ? C’est vrai ?

-          Maman ! Je suis assez grande pour savoir ce que je fais. Je gagne de l’argent par mon travail, donc je peux aussi le dépenser comme je l’entends. Je n’ai de compte à rendre à personne, même pas à Michel, ni à toi.

-          Mais…

-          … A plus tard, maman ! J’ai du travail. On se rappelle. Je t’embrasse, maman !

C’était la première fois qu’elle rembarrait sa mère, mais Véronique, après avoir raccroché, se rendit compte qu’elle la trainait comme un boulet depuis toujours. Il fallait qu’elle coupe enfin le cordon, ou plutôt la chaîne qui l’entravait.

Albert, son père n’était pas un souci ; lui avait été vieux très jeune, obéissant à un ordre invisible immuable : les faibles se courbant devant les forts sans broncher, obéissant surtout à sa femme. Travailleur honnête, sans conviction politique ni idéal, jamais avare de compliments pour son patron qui le lui rendait bien, et votant pour le candidat de droite à toutes les élections. Heureuse époque que celle des Trente-Glorieuses ! … Quand il s’activait dans son jardin, son père parlait aux plantes pour les aider à pousser. Maintenant, qu’il était à la retraite, il était dans son élément : un parmi ses légumes…Véronique avait toujours trouvé ça mignon, mais aujourd'hui, elle se rendait compte qu’il était proche du gâtisme. En revanche, il était gentil et avait la main sur le cœur : il ne regardait jamais à la dépense pour aider sa fille quand elle était dans le besoin.

Sa mère et son père devaient faire partie d’un prochain lot à dégager au plus vite, pensa-t-elle. Véronique se ravisa tout de même avec un pincement au cœur, mais elle ne pouvait plus laisser sa mère, penser à sa place. Elle ne devait pas négliger non plus, qu’elle pourrait avoir besoin d’un soutien financier, en cas de coup dur…Voilà qu’elle anticipait maintenant. Décidément, elle n’en finissait pas de progresser.

Les parents de Véronique représentaient cette réalité qu’elle ne voulait plus supporter. Elle avait vécu avec eux beaucoup trop longtemps, elle avait fini par déteindre… Quand elle se regardait dans la glace, elle apercevait parfois le visage de sa mère qui se glissait dans les quelques rides qui commençaient à apparaitre aux coins des yeux. Non ! Véronique ne voulait surtout pas devenir comme sa mère. Elle lui ressemblait physiquement, c’était indéniable ! Mais elle ne voulait surtout pas avoir la même mentalité. Désormais, elle avait dévié la trajectoire de sa destinée, lui semblait-il.

Elle était contente d’avoir pu repousser sa mère : ça confortait le bien-fondé de sa transformation.

Non seulement, elle évoluait dans sa vie professionnelle, mais également dans sa vie personnelle. C’était aussi simple que ça !

Le mardi, Véronique était mentalement prête pour voir Rachid, elle y pensait toute la journée. Elle savait qu’il avait préparé un ou deux joints : elle y avait pris goût, ça la détendait après sa « séance de sport », mais elle n’en abusait pas, elle attendait le vendredi soir pour vraiment se lâcher. Rachid, quant à lui, s’il assurait honnêtement ses fonctions le mardi soir, lâchait carrément les chevaux le vendredi soir. Après un tour d’échauffement avec des préliminaires d’une sensualité fort plaisante, il n’était pas rare qu’ils recommencent dès la fin du premier joint : leur jouissance en était alors décuplée. Véronique finissait épuisée, elle n’aurait pas demandé mieux que de s’endormir dans les bras de Rachid, mais il fallait rentrer et retrouver la réalité. Avant de partir, elle savourait pleinement le second joint qui l’achevait totalement… Là, elle était bien. Elle avait joui, son égo était au plus haut, elle était fière d’elle.

 

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2022

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