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Didier K. Expérience
15 mai 2022

D'Une Vie, L'Autre - E.7/34

D'une vie, l'autre

Le lendemain, Véronique s’afficha au bureau avec son nouveau look qui fit un effet bœuf. Tout le monde se retournait sur son passage. Les compliments fusaient de partout, y compris de son chef Léopold qui daignait de temps en temps lever les yeux de son écran ou de son miroir pour lui parler.

Tout allait bien, si ce n’était qu’elle était encore passée inaperçue auprès de ses enfants. Michel avait souri en la voyant s’apprêter, un petit rictus qui l’avait presque vexée. Elle faisait des efforts pour tout le monde, pas seulement pour plaire à Rachid, quoique si, un peu quand même. Ce matin-là, elle allait préparer le petit-déjeuner familial comme d’habitude, enfin, presque comme d’habitude ; elle se contenta de presser le bouton de la cafetière électrique, puis s’en alla chercher son sac. Ils étaient bien assez grands pour se servir tout seuls et faire leurs vaisselles. Elle n’avait plus le temps de faire la boniche.

Enfin, elle décidait de ce qui était bien pour elle ! Bon, pour l’instant, il s’agissait seulement de ne plus mettre en route le lave-vaisselle ou de faire les lits des ados, mais c’était un début. L’émancipation aurait dû commencer par-là, or, elle avait démarré par une coucherie sauvage dans une vieille Mégane, avec un peintre en bâtiment dont elle était en train de tomber amoureuse. On ne pouvait pas faire mieux, mais on pouvait sûrement faire pire. Pour Véronique, c’est une petite révolution qui pointait à l’horizon.

En quelques jours, la maison ne ressemblait plus à rien, sauf à un chantier. Il fallut ces quelques jours pour que Michel se décide à intervenir :

-          Véro ? Pourquoi c’est le bordel dans la maison ? Qu’est-ce qui se passe encore ?

-          Encore ? Mais il ne se passe rien, justement. Vous n’en avez pas marre que je fasse tout ici ? Moi oui, j’en ai marre. Donc, je ne fais plus rien. Ça vous forcera peut-être à vous remuer.

Véronique essayait de se contenir. Déjà, des larmes se massaient aux coins de ses yeux, prêtes à surgir. Sa voix chevrota :

-          Moi aussi, je travaille toute la journée et quand je rentre, je dois m’occuper de tout le monde. Le linge, la vaisselle, le ménage, c’est toujours pour moi. J’en ai ras le bol.

-          Oh ! ça va avec ton féminisme à deux balles. Faut pas charrier non plus. Je m’occupe des mômes autant que toi, et je fais le dîner. Mon boulot me prend la tête, le soir j’ai besoin de détente, pas de faire le ménage.

Pauline et Calvin assistaient à la scène sans broncher. Leur mère s’adressa à eux calmement.

-          Moi aussi, j’ai besoin de me détendre, donc maintenant, vous vous occuperez de vos machines à laver et de vos lits, et du petit déjeuner.

En guise de réponse, ils haussèrent les épaules et s’en allèrent regarder la télé.

Michel ne répondit pas non plus. Il préféra arrêter la discussion pour se réfugier dans la cuisine et préparer le dîner, laissant Véronique à son soliloque.

Véronique enrageait de n’avoir pas pu obtenir ce qu’elle voulait. Elle pleura de dépit, discrètement, sans faire de bruit. Comptait-elle si peu pour qu’on l’écoute si mal ? Elle sentait pourtant qu’elle ne s’y prenait pas comme il aurait fallu.

Mais, obtenir gain de cause, et de ce fait, apaiser les choses, était-ce bien ce qu’elle voulait ?

Rachid devenait de plus en plus prévenant et pressant. De semaine en semaine, les rendez-vous s’étaient rapprochés : ils se voyaient le mardi soir et le vendredi soir, désormais. Lui, voulait la voir tous les soirs mais ce n’était pas possible. Véronique se sentait un peu prisonnière de ses volontés, mais elle finissait par accepter tout ce qu’il demandait. Elle résistait, elle minaudait, elle succombait, elle jouissait. Elle s’amusait follement.

Véronique avait trouvé une astuce : elle s’était inscrite dans une salle de remise en forme : celle où Maryse était inscrite également. Elle n’y allait jamais, mais ça lui ferait un bon alibi, au cas où… Ils dînaient rapidement dans un petit restaurant de quartier où Rachid réglait toujours l’addition, puis ils filaient chez lui, ensuite. Véronique était aux anges. Elle adorait sa nouvelle vie.

Quand elle rentrait de ses escapades, elle retrouvait la maison plus ou moins bien rangée, mais ce n’était plus son problème. De plus, comme elle était vannée par le « sport », elle n’avait pas vraiment envie de faire du ménage, ensuite… Michel trouvait bien qu’elle fasse un peu de remise en forme, ça lui changeait les idées et ça la rendait moins agressive.

Lors d’une de leurs « séances de remise en forme », disait-il. Rachid avoua qu’il était tombé amoureux. Sur le coup, Véronique en fut ravie, mais elle repensa à ce que Maryse lui avait dit : « n’en tombe pas amoureuse ! » Trop tard, elle avait crié un « je t’aime » au moment où Rachid avait joui, répondant en écho à son aveu.

Elle décida de lui parler au sortir de la douche.

-          Tu n’étais pas sérieux tout à l’heure quand tu m’as dit que tu m’aimais ?

-          Bien sûr que si ! Ce n’est pas une chose que j’ai l’habitude de dire. Je n’ai pas peur de grand-chose dans la vie, mais ça, je ne le dis jamais, sauf si je suis sûr de moi. Pourquoi, tu n’es pas bien avec moi ?

-          Ce n’est pas la question. Je suis mariée, j’ai des enfants, une maison, une vie. Tu le savais depuis le départ. Nous deux, c’est pour s’amuser, non ?

-          Non ! Pas seulement. D’ailleurs, tu m’as dit « je t’aime » tout à l’heure, non ? Toi aussi, tu me veux.

-          C’était dans le feu de l’action, je ne savais plus ce que je faisais. J’étais bien et voilà, c’est sorti.

-          Parfait ! Donc, on s’aime et on se veut.

Rachid sentit qu’elle commençait à prendre peur :

-          Ne t’inquiète pas, bébé ! Je ne te forcerai pas à m’aimer ou à vivre avec moi. On fera comme tu voudras, mais j’ai grave envie d’être avec toi.

Pendant qu’il parlait, il s’attela à la confection d’un joint. C’était la première fois qu’il en roulait un devant elle.

-          Viens, on va fumer un peu, tu vas voir, ça va te détendre.

-          Je ne fume pas. Je n’aime pas la drogue.

Il rit :

-          Ce n’est pas de la drogue, c’est de l’herbe, c’est bon pour la santé, ça fait réfléchir.

Il l’alluma, tira une latte et l’odeur enveloppa toute la chambre d’un coup. Il tendit le joint à Véronique qui fit mine de le refuser. Il insista. Elle inspira une fois, trop fort., puis relâcha la fumée dans une quinte de toux carabinée. Véronique sentit que l’effet lui montait à la tête en quelques secondes. Elle eut envie de vomir. Alors, Rachid la prit dans ses bras et entreprit de la calmer. Il lui caressa les cheveux et l’embrassa tendrement dans le cou. Elle s’allongea, posa la tête sur son torse. Puis, il lui murmura des « je t’aime bébé » à l’oreille tout en continuant à la caresser. Il tournait la tête de temps en temps pour tirer sur le joint, rejetant la fumée vers la fenêtre… Véronique était bien, elle se reposait entre ses bras vigoureux, tous les deux sur le lit. Elle tenta le joint à nouveau, en tirant moins fortement que la première fois : elle en apprécia l’effet. Elle commença de répondre à ses murmures par des susurrements du bout de ses lèvres boudeuses : « moi aussi je t’aime Rachid ». Fumer de l’herbe après l’amour était une sacrée découverte…

-          Il serait peut-être temps de rentrer, tu ne crois pas ?

-          Ah oui ! c’est vrai. Qu’est-ce que je vais me faire chier chez moi ?

 

Didier Kalionian - Le Blog Imaginaire (c) 2021

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